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architectes que leurs prédécesseurs en poussant à ses vraies conséquences un système qu’ils n’ont pas créé. Et le point où ils ont été le plus remarquables, est précisément dans la solution de ce problème dont nous avons déjà signalé les difficultés, l’adaptation des formes du temple grec à la construction de l’église chrétienne.

Le temple grec est petit parce qu’il est le temple de nations du midi dont les cérémonies se font en plein air, sur la place publique. Les églises chrétiennes au contraire, œuvres des peuples du Nord, sont grandes parce qu’elles sont faites pour recevoir et abriter la foule des fidèles. Pour décorer ces immenses édifices, avec leurs vastes espaces intérieurs et leurs grandioses façades, l’art grec ne pouvait fournir que de bien faibles ressources. Aussi lorsque, après les formes admirables créées par l’art byzantin, par l’art roman et surtout par l’art gothique, les architectes de la Renaissance voulurent revenir à l’architecture antique, ils se heurtèrent à une véritable impossibilité et toutes leurs églises, — celles de Palladio en sont un exemple bien frappant, — ont un aspect de froideur, une nudité qu’elles doivent à l’insuffisance décorative des formes classiques. Pour construire des églises somptueuses et riches, en employant les formes classiques, on comprend que les architectes aient tout fait pour animer ces formes, pour les vivifier et les rendre susceptibles de produire des effets nouveaux, ne correspondant plus, bien certainement, à l’idée constructive qui les avait créées, mais satisfaisant admirablement au but qui leur était assigné, celui d’être un élément d’expression et de beauté.

Et sans doute il est facile de les condamner et de dire qu’ils ont corrompu l’art grec, sans doute aussi il est impossible de nier leurs erreurs et leurs échecs, mais leur justification ne se trouve-t-elle pas dans la difficulté de leur tâche, et bien souvent aussi dans la beauté des résultats obtenus ?

Nous trouvons dans l’Encyclopédie un passage qu’il faut rappeler ici. Sans le vouloir, Quatremère de Quincy, croyant combattre le baroque, nous a donné la vraie raison qui le justifie : « L’architecture que nous avons adoptée, dit-il en parlant de l’architecture de la Renaissance, n’étant point née sur notre sol, étant étrangère même à nos mœurs et à nos besoins, ne saurait y trouver de base solide, ni cette source naturelle et