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de colonnade avec un élargissement de l’entre-colonnement central.

Pourquoi donc l’espacement des colonnes serait-il uniformément fixé par des règles absolues, pourquoi ne chercherait-on pas, en les resserrant ou en les espaçant, des aspects plus variés, pourquoi encore se condamnerait-on à disposer toujours les colonnes sur le même alignement au lieu de produire, en les disposant sur des plans différens, d’intéressans effets de perspective, pourquoi enfin blâmerait-on les colonnes accouplées dont Perrault a fait un si magnifique emploi dans la colonnade du Louvre ?

Il serait facile de prolonger cette discussion et de multiplier les exemples : il suffit d’en avoir posé les principes. Nous pourrons maintenant étudier en détail les œuvres de cet âge, nous saurons les raisons qui ont guidé les architectes et qui les rendent dignes de notre admiration.

En résumé, on peut dire que le Baroque fut l’art d’utiliser les formes antiques, en les transformant pour les rendre aptes à l’expression d’idées nouvelles : c’est un style moins pur, moins classique que celui de la Renaissance, mais plus novateur, plus moderne, plus fécond. L’art de la Renaissance, par ses tendances à une imitation trop servile, liait les mains des architectes, le Baroque les affranchit : l’art de la Renaissance ne pouvait se prêter qu’à des effets limités ; avec le Baroque, dont Michel-Ange fut le véritable inventeur, on va pouvoir tout dire ; c’est vraiment le point de départ de l’art moderne.

La grande critique, la seule que l’on adresse au Baroque, est celle-ci : vous avez été affolés de changemens, vous avez cru que pour faire œuvre de beauté il fallait faire œuvre de nouveauté et vous n’avez pas eu la sagesse de vous en tenir à ce que les grands maîtres du passé avaient créé, aux règles que leur expérience avait tracées.

C’est là le point essentiel du désaccord. Les classiques sont les défenseurs du principe d’autorité, de la tradition, du maintien des formules ; le Baroque, c’est la liberté. De tous les mots qu’il a dits : beauté, joie, tendresse, féminilité, et ceux de santé robuste, de force et de majesté, le mot qui nous reste le plus cher est celui de liberté.