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obligés d’avoir recours à une sévérité de combat pour lutter contre tous les ennemis qui les menaçaient, il y avait à Rome, autour d’eux, d’autres puissances qui n’avaient pas les mêmes raisons de s’attrister, il y avait les membres de leur famille, ces cardinaux si brusquement et si prodigieusement enrichis qui, même tombés du pouvoir, ne songeaient qu’à jouir de leur fortune. Dans cette sévérité de l’âge de la Contre-Réforme, dans ce puritanisme chrétien, les cardinaux et les princes des familles papales, par la construction et l’ornementation de leurs demeures, n’obéissent à aucune influence de tristesse, et ce sont eux qui les premiers vont faire réapparaître l’art de la Renaissance, l’art de Léon X et de Clément VII.

Au premier rang de ces familles, il faut citer les Farnèse, qui, après avoir sous Paul III construit leur grand palais de Rome, ne cessèrent d’en poursuivre le décor et en firent peindre la grande salle par Annibal Carrache, en lui demandant d’en couvrir les voûtes, non de sujets chrétiens, mais de scènes empruntées à la mythologie ou à l’histoire. Le plafond du Palais Farnèse, plus que toute autre œuvre, marque la reprise des idées et des formes de la Renaissance. Depuis Raphaël, rien de pareil ne s’était vu dans l’Italie centrale. Et l’œuvre est si belle, si parfaite dans la composition de l’ensemble et des détails, si noble de dessin, si fine de coloris, qu’elle n’a cessé de provoquer les plus ardens enthousiasmes, et que bien des critiques ont pu dire qu’Annibal Carrache était le plus grand peintre de l’Italie après Raphaël.

C’est ainsi qu’au moment où le Dominiquin évoque sur les murs des églises des images dont la suavité rappelle celle de Fra Angelico, nous voyons d’autres maîtres, travaillant, non pour les églises, mais pour les palais, des maîtres tels qu’Annibal Carrache et l’Albane, faire renaître la sensualité païenne. Et nous n’allons pas tarder à voir, par un singulier phénomène, ces deux idées s’unir, pour créer l’art qui fleurira dans la seconde moitié du XVIIe siècle.

Plus encore que les Farnèse, les Borghèse jouent un grand rôle dans cette orientation de l’esprit italien. Le palais qui avait été commencé en 1590 par Martino Lunghi pour le cardinal Dozia, dans un style sévère dont la façade a conservé l’empreinte, prit une forme plus riche, lorsqu’il devint la propriété du pape Paul V ; et la cour superbe, avec son double étage de