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si monotone et surtout si inexpressif. Ce que le Bernin veut et réalise, c’est un décor à la fois grandiose et expressif, et sur les pilastres de Saint-Pierre il fera voltiger des figures d’anges, et sur les arcs de la voûte il allongera de grandes figures de Vertus, mettant partout les formes humaines, le décor vivant, sur la masse inerte des murailles.

Dans les nefs latérales de Saint-Pierre, le Bernin, faisant encore un pas de plus vers la richesse, multiplie les marbres rares, les colonnes, les motifs d’ornemens, et il couvre toutes les voûtes de mosaïques resplendissantes. Les travaux du Bernin à Saint-Pierre sont parmi les œuvres les plus significatives de cet âge.

Ce style décoratif, si remarquable par le luxe des matériaux, par la prodigalité des peintures et des sculptures, trouva son plus libre essor dans les Chapelles si nombreuses que le Bernin éleva pour les riches familles des Papes et des Cardinaux. Je me contenterai de rappeler les plus belles : la chapelle Raimondi à S. Pietro in Montorio, la chapelle Allaleona à SS. Domenico e Sisto, celles des Poli à S. Crisogono, des Silva à S. Isidoro, des Chigi à Sienne, des Siri à Navone et de la Beata Albertoni, à S. Francesco a Bipa. Le point culminant de cet art fut atteint à Sainte-Mario de la Victoire dans la chapelle de Sainte-Thérèse[1].

Ce fut seulement vers sa soixantième année que le Bernin eut l’occasion de construire une église, celle du Noviciat des Jésuites, dite S. André, au Quirinal. Par son plan ovale, par la disposition des chapelles, surtout par l’ordonnance du maître-autel, placé dans une abside, s’ouvrant en arrière de quatre colonnes, comme les niches du Panthéon, par l’élégance souverainement distinguée de la polychromie des murs, toute faite de deux tons, d’un blanc et d’un rose, par le somptueux décor de la voûte, où, sur des scintillemens d’or, jouent de blanches figures d’anges, cette œuvre est sans conteste une des merveilles de la ville de Rome.

Et dans toute cette architecture si brillante se maintient, au

  1. Nous possédons à Paris dans l’église des Carmes de la rue de Vaugirard un autel du Bernin semblable, quoique plus modeste, à celui de la Sainte-Thérèse. Cet autel avait été fait sur des dessins du Bernin en vue de recevoir la Madone que le cardinal Barberini lui avait achetée pour en faire don aux Carmes. (Voyez mon article : Une Madone du Bernin à Paris, dans la Gazette des Beaux-Arts, octobre 1911.)