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point de vue purement architectural, une sobriété, une pureté de lignes, qui rattache le Bernin à la tradition des maîtres les plus classiques de la Renaissance. Le caractère classique de l’architecture du Bernin a été souvent méconnu par la critique, et il est capital de le signaler et d’en préciser les origines. En dehors de l’influence de Maderne, à qui le Bernin succède comme architecte de Saint-Pierre, on peut l’expliquer par des influences encore plus puissantes, celle de Raphaël dont il avait étudié de très près le style en travaillant à la chapelle Chigi, lorsqu’il en compléta l’ornementation par des statues, et celle des monumens antiques, surtout celle du Panthéon, pour lequel il avait reçu d’Urbain VIII la commande d’un projet de restauration et de décoration.

Vraiment, quand on étudie les œuvres d’un homme tel que le Bernin, ce prodigieux architecte auquel seul un Brunelleschi, un Bramante ou un Michel-Ange peuvent être comparés, ne doit-on pas être surpris du dédain avec lequel, non seulement le public, mais les plus éminens de nos historiens, le grand Burckardt en tête, ont parlé de lui. Dans le Cicerone, ce chef-d’œuvre de critique, si remarquable à tant d’égards, le Bernin est complètement sacrifié, et, pour n’en citer qu’un exemple, ce livre si soucieux de commenter les moindres monumens ne consacre que quelques mots insignifians à cette église de Saint-André, qui cependant aux yeux de tout artiste doit apparaître comme une des plus belles de Rome.

Je ne veux pas insister davantage sur l’architecture du Bernin. L’analyse de ses œuvres nous entraînerait trop loin et sortirait du cadre de cette étude, qui doit être limitée à la détermination des traits essentiels. Parmi tant d’œuvres diverses dont le Bernin a enrichi Rome, je me contenterai de rappeler les Palais Barberini et Chigi, les Tombeaux d’Urbain VIII et d’Alexandre VII, les Fontaines du Triton et de la Place Navone, l’Escalier royal et la Salle ducale au Vatican, le Campanile, aujourd’hui démoli, de Saint-Pierre, le décor du pont Saint-Ange et surtout la grande Colonnade dont il entoura la place Saint-Pierre, œuvre qui, même au temps où le Bernin était le plus décrié, n’a jamais suscité la plus légère critique. « Pour séparer justement et impartialement, dit Cicognara[1], ce qui

  1. Storia della Sculptura. Prato, 1824, t. VI, p. 143.