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assure la renommée du Bernin dans les trois œuvres colossales qu’il lui fut donné d’entreprendre à Saint-Pierre, dans le Baldaquin, la Chaire et la Colonnade, on peut dire que par les deux premières il obtint le suffrage de ses contemporains et par la dernière celui de la postérité. »


Borromini, qui fut tenu à l’écart par les souverains pontifes et qui ne reçut de commandes pontificales qu’au début du règne d’Innocent X, pendant la courte disgrâce du Bernin, n’a pas produit des œuvres aussi nombreuses ni aussi grandioses que celles de son illustre rival ; son style d’autre part n’est pas toujours aussi sympathique, parce qu’il n’avait pas la même grâce séduisante, et ses nouveautés, en raison de leur grande hardiesse, nous paraissent parfois très contestables ; mais il tient dans l’art une place de premier ordre parce qu’il fut par excellence un architecte. N’étant ni un sculpteur, ni un peintre, il n’attache qu’une importance secondaire au décor, et toutes ses pensées convergent vers des questions de pure architecture. Il a été pour ainsi dire exclusivement un constructeur, et a abordé sur ce point plus de problèmes que le Bernin ; il a été plus novateur et plus audacieux, et il a attiré sur lui toutes les foudres de ceux qui ont attaqué l’art du XVIIe siècle. C’est par son nom plus encore que par celui du Bernin, que les néo-classiques ont flétri cet art.

Pour caractériser nettement l’art de Borromini on peut dire que, à côté du Bernin qui continue la tradition de Bramante et de Raphaël, il est l’héritier de Michel-Ange, auquel il se rattache par ses idées inventives, par ses audaces et par son sentiment de la grandeur. Passeri nous dit[1] que dans sa jeunesse, lorsqu’il travaillait à Saint-Pierre sous la direction de Maderne, il employait les heures de ses repas à dessiner avec le plus grand soin les diverses parties de ce temple et qu’il ne cessait de parler de sa grande passion pour l’architecture ingénieuse de Michel-Ange.

A la mort de Maderne, Borromini, qui était son élève et son parent, espéra un moment lui succéder dans la charge d’architecte de Saint-Pierre, mais il dut céder le pas au Bernin et travailler sous ses ordres. Cette collaboration ne dura pas longtemps ;

  1. Vite del pittori. scultari ed architelli che anno lavorato in Roma, morlidal, 1641 fino al 1673.