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pas, comme on le faisait partout, de placer un autel contre la paroi déjà construite de l’abside ; il construit lui-même l’abside tout entière en lui associant étroitement les lignes architecturales d’un magnifique autel, et en raccordant toute son œuvre aux constructions antérieures de l’église. Cet ensemble d’une grande beauté est une des œuvres de cet âge que l’on doit le plus louer et l’une de celles qui font le mieux prévoir le style du XVIIIe siècle.

Avec les architectes dont nous venons de parler, le XVIIe siècle se termine à Rome : la mort du pape Alexandre VII semble marquer un arrêt momentané dans les grands travaux d’architecture. Mais cet art magnifique que Rome venait de créer, une autre ville, qui n’avait encore joué aucun rôle dans l’art italien, va le reprendre et le continuer. La dernière évolution du style du XVIIe siècle ne se fait pas à Rome, mais à Turin. Là, à la Cour des ducs de Savoie, un architecte né à Modène, le Père Guarini, reprend et développe, en dehors de Rome, dans des milieux nouveaux, l’art même de Borromini, cet art dont Borromini n’avait pu entrevoir toutes les conséquences.

L’art du Père Guarini est quelque chose de très particulier. Guarini est plus jeune d’un quart de siècle que les maîtres romains dont nous avons parlé, il vit vers la fin du XVIIe siècle, et l’on peut dire que de lui date réellement le style du siècle suivant. L’art chrétien au XVIIIe siècle se distinguera par ce fait que, tout en étant religieux dans son essence, il sera pénétré par une influence nouvelle, celle d’un milieu aristocratique. A Rome, sous l’autorité souveraine et divine des papes, il n’y a pas de hiérarchie sociale : auprès d’eux tous les hommes sont égaux, et c’est la véritable forme de la société religieuse, qui est par excellence une démocratie. Les Jésuites ont été les vrais directeurs de cette société. Partout, dans leurs églises, faites pour le peuple, règne la plus grande unité : tout est fait pour tous.

Mais si nous quittons Rome, si nous allons dans des milieux où se créent des cours puissantes et une riche aristocratie, nous verrons apparaître un art nouveau, répondant aux désirs de ces grands seigneurs qui ne veulent plus, même à l’église, être confondus dans les rangs du peuple. C’est l’art que le Père Guarini a réalisé : toutes ses églises se compliquent, non plus seulement pour le plaisir de la complication, comme chez