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MULHOUSE.

la toilette des femmes. Les femmes n’avaient pas le droit de porter à l’église des robes en soie ou de couleur, et devaient remplir leurs devoirs religieux en robes noires très simples, sans parures de bijoux. Une bourgeoise fut punie pour s’être rendue à l’église avec une petite chaîne d’or au cou. Mais si l’on excepte le luxe de la table et ces coquetteries féminines, modestes en comparaison de l’élégance moderne, il semble bien que les mœurs étaient plutôt austères. Si les patriciennes sortaient le jour en carrosse avec des laquais sur le siège, elles travaillaient le soir à la chandelle avec les servantes. Jusqu’aux dernières années du XIXe siècle, tous les vendredis, les amies travaillaient ensemble pour les pauvres. Les jeunes filles formaient leur cercle à leur sortie de pension, fidèles, toute leur vie, chacune à son vendredi. Même aujourd’hui où la charité sociale revêt d’autres formes, il y a encore quelques réunions du vendredi.

Amour de la bonne chère dont profitait au reste tout étranger de distinction qui passait à Mulhouse. Il était sûr d’y recevoir une hospitalité généreuse, et quand il partait, ses hôtes, une fois qu’il était monté à cheval, buvaient avec lui, devant la foule accourue, dans une coupe de vermeil ou un hanap d’argent, le coup de la Saint-Jean, ou coup de l’étrier ; et non pas du vin du pays, communément appelé gratte-gosier, parce que, méchante piquette, il fait grimacer et pleurer, mais du meilleur vin doré d’Alsace, ou du vin du Rhin, ou plus tard vers 1750, après la prospérité duc à l’industrie, du vin de France.

II

La jouissance de privilèges si particuliers et d’une indépendance si fière, et les continuels efforts soit d’habileté, soit de courage, nécessaires pour les conserver, n’ont pas peu contribué à exciter et à développer chez les membres de la petite république les rares qualités d’initiative et d’énergie qui assurent les fortes races. Le droit de bourgeoisie mulhousienne était si recherché que les familles nobles les plus considérables de la région le sollicitaient, mais bien peu l’obtenaient. Quand on considère les portraits de ces grands bourgeois[1], ce qui

  1. Cf. les livres de M. Camille Schlumberger et de M. Max Dollfus.