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signaler des erreurs de Pascal, résultant en partie de son hostilité préconçue contre les Jésuites, et en partie de l’inexactitude des notes et documens divers qui lui étaient fournis, — cela est aujourd’hui hors de doute, — par Arnauld, Nicole, et d’autres inspirateurs de sa polémique. Personne désormais ne peut plus ignorer, par exemple, que l’auteur des Provinciales s’est montré injuste à l’égard des Jésuites en leur imputant non seulement la pratique exclusive d’une tolérance trop marquée pour la morale relâchée des « gens du monde, » mais jusqu’à l’invention de la casuistique. De même encore il est depuis longtemps avéré que Pascal s’est mépris sur les intentions personnelles du P. Escobar, dont l’orthodoxie scrupuleuse ne lui méritait pas l’affront d’être constamment cité en compagnie de casuistes d’une doctrine beaucoup plus suspecte, comme le P. Bauny, — condamné déjà par Rome et par les évêques de France à la date où l’auteur des Lettres écrites à un provincial accouplait ainsi son nom avec celui du directeur du collège de Valladolid.

Oui, on a beaucoup fait depuis bientôt trois siècles, en France et à l’étranger, pour laver le P. Escobar de la fâcheuse réputation que lui a jadis procurée le « libelle » dont il se plaignait, avec un mélange touchant de surprise et de mélancolie, à son noble pénitent, le duc d’Ossuna. Mais comme, d’un côté, toutes ces apologies du jésuite espagnol provoquaient sur-le-champ de nouveaux réquisitoires qui maintenaient, ou au besoin renforçaient les accusations de Pascal, et comme, par ailleurs, les auteurs de ces apologies, obligés de suivre Pascal sur le terrain qu’il s’était choisi, associaient constamment à la défense d’Escobar celle de ses confrères en casuistique, tout cela nous inclinait à demeurer dans le doute, concernant le rôle particulier d’Escobar parmi le groupe à la tête duquel nous l’avaient montré les Lettres Provinciales : si bien qu’en attendant d’être mieux fixés sur ce rôle, nous persistions à nous représenter le vieux moine de Valladolid comme un brave homme de confesseur d’une indulgence un peu désabusée, suivant lui-même et faisant suivre à ses belles pénitentes un aimable « chemin de velours, » pour le plus grand profit de son ordre et de Dieu.

C’est assez dire combien nous intéresse le livre qu’un très érudit religieux allemand, le P. Charles Weiss, professeur de l’université autrichienne de Gratz, a consacré entièrement non pas même à l’étude de la doctrine morale d’Escobar, mais à l’examen détaillé et approfondi de chacune des opinions du casuiste espagnol qui ont été citées ou mentionnées dans les Provinciales. Membre de l’ordre des Frères