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Prêcheurs, et parfaitement libre de toute prévention pour ou contre la Compagnie dont faisait partie Escobar, le P. Weiss a employé à son investigation une loyauté manifeste, en même temps qu’il y apportait une science très solide et très sûre de tout le développement de la « théologie morale » durant les XVIe et XVIIe siècles. Son livre nous donne fidèlement l’intime pensée d’Escobar : plus fidèlement que ne pouvait la connaître Pascal, ni même que nous ne pouvons la connaître, aujourd’hui encore, en lisant les 898 pages compactes du Liber Theologiæ moralis, avec le dédale de leurs divisions, objections, juxtapositions de réponses « probables » et d’autres « plus probables, » — pour ne rien dire de la différence des opinions propres d’Escobar et de celles qu’il se borne à placer simplement sous nos yeux, dans des espèces de catalogues intitulés Praxis circa materiam, à la fin de chacun des très nombreux chapitres de son livre. (Car le fait est que celui-ci, d’année en année, sous la traduction latine et les rééditions, était devenu singulièrement plus massif et plus embrouillé que le petit Examen y Practica de confesores compilé autrefois par le P. Escobar à l’usage des jeunes prêtres de son pays.)


« Eh bien ! me demandera-t-on, quelle conclusion se dégage de ce savant travail ? Dans le duel d’Escobar et de Pascal, où la victoire effective est incontestablement échue à ce dernier, lequel des deux adversaires avait pour soi la justice ? » À cette question le P. Weiss répond, de la façon la plus péremptoire, que, presque sur tous les points, c’est le jésuite espagnol qui avait raison contre son trop heureux accusateur français. A l’entendre, il n’y aurait quasi pas un seul des 67 passages des Provinciales relevés autrefois par Escobar lui-même où Pascal n’eût mal interprété la doctrine du casuiste ; et j’ajouterai même que l’indignation qu’en éprouve l’éminent érudit allemand le conduit à nous parler de Pascal sur un ton qui, de la part d’un écrivain français, aurait de quoi nous apparaître inexcusablement méprisant et haineux. Sans doute, le P. Weiss, en sa qualité d’étranger, n’est pas tenu de savoir ce que signifie pour nous le nom de Pascal, ni même de se rappeler que l’auteur des Provinciales a été aussi celui de la plus profonde, et sincère, et efficace Apologie de la religion chrétienne qui ait été tentée depuis les premiers Pères. Mais la seule lecture des Provinciales aurait dû lui suffire pour comprendre que les railleries du pamphlétaire janséniste s’accompagnaient, chez lui, d’une foi très ardente à la vérité de l’idéal