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moral défendu par lui contre les casuistes. Ou plutôt, nous avons l’impression que le P. Weiss reconnaît, par instans, cette sincérité de Pascal, et serait tout prêt à lui rendre hommage ; mais dès l’instant suivant, une nouvelle moquerie du « libelliste, » s’adressant à une opinion d’Escobar qu’il comprend à faux ou qui n’a rien de répréhensible, du moins au jugement du professeur autrichien, éveille à nouveau chez celui-ci la persuasion de n’avoir devant soi qu’un spirituel « journaliste » de nos boulevards, un de ces chroniqueurs parisiens qui passent volontiers, à l’étranger, pour capables de tourner en dérision les choses les plus saintes. C’est le ton de l’ironie de Pascal, nous le sentons bien, qui agace le P. Weiss et l’oblige à se montrer injuste envers l’auteur des Provinciales. L’esprit français ne sera, décidément, jamais un « article d’exportation. »

Quant au fond même du débat, je ne puis malheureusement songer à l’examiner ici, en quelques lignes hâtives ; et d’autant moins que ce fond se trouve être, en réalité, beaucoup plus complexe que paraît le supposer le nouvel apologiste d’Escobar. Le P. Weiss a beau nous affirmer que Pascal se trompe (ou nous trompe) à peu près sur tous les points où il attaque le jésuite espagnol : les preuves qu’il nous fournit à l’appui de cette assertion sont loin de nous sembler toujours également péremptoires. Et c’est ainsi que je distinguerais volontiers, pour ma part, au moins quatre catégories différentes, parmi les nombreuses petites controverses où nous assistons entre Pascal, d’un côté, et, de l’autre, l’éminent professeur de Gratz exposant et justifiant les opinions d’Escobar.


Il y a d’abord un certain nombre de cas où l’on est tenté de penser que Pascal n’a pas assez tenu compte de la conception générale que se faisaient les casuistes du caractère et des méthodes de leur science. L’ensemble d’une confession particulière, tel qu’ils l’entendaient, ne saurait être mieux comparé qu’à ces feuilles de papier que nous remettent, dès l’entrée, quelques-uns de nos restaurant parisiens. On y a imprimé d’avance les noms de tous les mets et de toutes les boissons que pourront obtenir les cliens ; et puis, au fur et à mesure que ceux-ci demandent quelque chose, les employés du restaurant en inscrivent le prix vis-à-vis du nom de la chose servie. Parfois même, certains objets d’un usage à peu près constant, tels que le pain ou une ration de vin ordinaire, ont d’avance leurs prix notés sur la feuille. Or, supposons qu’un client, au lieu de se contenter d’une tranche de pain ou de la demi-bouteille de vin rouge accoutumée,