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de celles-ci ne pouvant jamais être mesuré d’avance, et dépendant tout entier de l’intention qui nous fait agir. Mais ceci est un autre problème, dont je n’ai pas à m’occuper aujourd’hui ; et il n’en demeure pas moins hors de doute que, sur un certain nombre de points, Pascal s’est montré injuste à l’endroit du P. Escobar en lui reprochant comme des « suppressions » de péchés ce qui n’était en réalité, pour le moine espagnol, qu’un simple « transfert » de culpabilité, d’une rubrique à une autre.

Seconde catégorie : ce sont des cas où l’injustice ou l’erreur de Pascal ont été plus complètes encore. L’auteur des Provinciales s’est sûrement trompé, par exemple, touchant la véritable pensée d’Escobar, quand il s’est moqué d’un passage où celui-ci discutait la question de savoir combien de fois, dans notre vie, nous devons « aimer Dieu. » En réalité, le jésuite de Valladolid déclare que nous devons aimer Dieu toujours, dès l’âge de raison ; et il ajoute que toute action commise par nous qui dérive de notre absence d’amour pour Dieu doit nous être imputée comme un grave péché. Ce qu’il soutient que nous devons renouveler de temps à autre, ce n’est pas notre amour intime pour Dieu, — amour qui ne saurait, sans péché, s’effacer de notre âme, — mais seulement un « acte » formel et extérieur, proclamant (et nous rappelant à nous-mêmes) cet amour qui doit siéger au fond de notre cœur. Et que tout de même, après cela, il y ait quelque chose de comique dans les controverses des casuistes à ce sujet, les uns exigeant que l’on proteste de son amour pour Dieu tous les dix ans, d’autres tous les cinq ans, et le bon P. Escobar émettant le vœu que les intervalles d’une fois à l’autre soient encore rapprochés, de cela chacun sera tout prêt à convenir ; mais sans que nous ayons le droit de mêler à notre sourire l’ombre d’un reproche, surtout vis-à-vis d’un amour de Dieu aussi pur et ardent que l’était celui du P. Escobar.

Erreur et injustice, également, de reprocher au P. Escobar ses opinions sur la promesse, sur les sommes que peuvent conserver, — provisoirement, — les banqueroutiers, sur le célèbre contrat « Mohatra, » sur l’obéissance du religieux chassé envers ses anciens supérieurs, sur le droit, pour une femme, de se parer en certaines circonstances. Le lecteur trouvera, dans l’ouvrage du P. Weiss, une longue et minutieuse démonstration de la différence entre l’opinion authentique d’Escobar, sur tous ces points, et celle que lui a attribuée Pascal. Pour ce qui est de la toilette des femmes, en particulier, force nous est de reconnaître que l’indulgence du vénérable moine espagnol est pleine de sagesse. Qu’une femme s’embellisse pour séduire un