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générale. Chez certains, l’enthousiasme est tel qu’on va jusqu’à dire : « C’est un dieu ! »

Il s’élevait néanmoins déjà quelques voix discordantes, parmi lesquelles il faut noter les vives réclamations du parlement de Paris. L’indignation était grande, en effet, parmi la haute magistrature. Les décisions que je viens d’indiquer avaient été, comme il était légal, pour éviter les formalités compliquées et les retards de l’enregistrement, promulguées par simples arrêts, sans employer la voie solennelle des édits. Le parlement, grâce à cette procédure, n’avait pas eu à examiner la question ; il n’avait pu s’opposer d’une façon directe aux opérations du ministre. Il voulut du moins se venger en faisant parvenir au Roi de sévères « remontrances, » où il critiquait aigrement la politique financière de Necker : « Le Parlement, lit-on dans une de ces harangues, n’a pu voir sans douleur qu’après quatorze années de paix, au lieu de préparer les diminutions d’impôts tant de fois et si solennellement promises, l’état des finances exige d’avoir encore recours à un emprunt, qui sera nécessairement le germe d’une imposition... » Bien mieux, un peu plus tard, il prenait un biais détourné, en ordonnant l’exécution de vieilles lois sur l’usure qui remontaient à Charlemagne, des lois interdisant « les prêts contraires aux saints canons reçus et autorisés dans le royaume. » Or les dits « canons » prohibaient d’une manière absolue « tous prêts à intérêts, » sous quelque forme que ce fût. Il s’ensuivait qu’un homme qui constituait des rentes, escomptait des billets, prêtait ou empruntait de l’argent à un taux quelconque, risquait, si on lui appliquait l’édit de Charlemagne, l’exil ou les galères, ce qu’il était permis de trouver excessif. On souriait de ces vaines menaces, et elles n’intimidaient personne. Elles marquent cependant le début de l’opposition acharnée et systématique qui, croissant d’année en année, amènera finalement l’échec du programme de Necker et provoquera sa chute.


Sans partager l’engouement fanatique des uns, et moins encore les étroites préventions des autres, il est juste de rendre hommage aux heureux et habiles efforts du directeur général des Finances, pour manœuvrer parmi des embarras inextricables et sauver le Trésor public d’une ruine qui semblait menaçante. On lui reproche quelques fautes de détail, des erreurs de calcul