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gagnait 7 sièges : il comptait 96 membres. La Prusse avait soutenu, contre les doléances de Falk, la politique de Puttkamer ; le catholique Joerg écrivait triomphalement que le faux libéralisme avait trouvé son Sedan, Keyserling, le vieil ami de Bismarck, notait avec finesse : « Le chancelier est peut-être trop vainqueur pour son goût. » C’était vrai ; Bismarck, — un article des Grenzboten le laissait voir, — déplorait que la question scolaire fût devenue un objet d’agitation et que la Prusse eût paru plébisciter pour ou contre Puttkamer, pour ou contre Falk. Il comprenait trop peu les luttes d’idées, il y était, au fond, trop indifférent, pour aimer ces allures-là. L’effacement exagéré des nationaux-libéraux lui déplaisait presque autant que leur prépotence de naguère ; ils se mettaient à bouder, laissaient le Centre et les conservateurs former à eux seuls le bureau du Landtag. Il avait souhaité que les nationaux-libéraux fussent un peu vaincus, et voilà que le Centre était trop vainqueur. Bismarck n’était pas content. Des nationaux-libéraux, un Centre, et autres partis, qu’avait-il à faire de toutes ces étiquettes. Il lui fallait des bismarckiens, voilà tout, et il ne savait plus très bien où seraient les bismarckiens, dans ce Landtag-là.

Puttkamer, au lendemain même des élections, fit à la lettre de Falk une réponse implicite : d’un geste cassant, il dérouta, dans la petite ville d’Elbing, tout le corps municipal, qui était national-libéral, et tout le personnel primaire. La commune d’Elbing, au temps de Falk, avait fait une belle dépense de zèle et d’argent pour se transformer en un champ d’expériences : tour à tour, toutes les écoles confessionnelles avaient disparu ; des écoles simultanées, où se coudoyaient les élèves des diverses religions, s’étaient installées à leur place. Un de ces nouveaux bâtimens scolaires restait encore à inaugurer : on avait fixé pour cette cérémonie, qui parachevait à Elbing la réforme laïque, la date du 9 octobre. Le matin même, un télégramme de Berlin survint, donnant Tordre de surseoir à la fête et d’interrompre, à Elbing, le fonctionnement des classes : la vie scolaire, dans cette ville qui se piquait de lumières, était ainsi brusquement suspendue. Le bourgmestre, les édiles prirent le train pour Berlin, coururent chez Puttkamer. Il leur déclara fort poliment qu’avant de rouvrir à Elbing les écoles simultanées, qu’il détestait, on devait d’abord faire la preuve qu’il était impossible d’y faire fonctionner un enseignement confessionnel.