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On apprenait, en même temps, que dans le synode général évangélique circulaient des pétitions en faveur du caractère confessionnel de l’école, et que, de leur côté, 653 prêtres catholiques, dans le diocèse de Trêves, manifestaient pour la même cause. En haut lieu, les sourires se multipliaient pour ces ardens pétitionnaires : le président supérieur du Brandebourg candidat dans un arrondissement rhénan, et puis, au fond de l’Alsace, le nouveau gouverneur Manteuffel leur faisaient écho. Haranguant les instituteurs, Manteuffel évoquait Rome, Athènes, Sparte, tombées en décadence du jour où la jeunesse avait cessé de croire aux dieux, et déplorait qu’en voulant bannir de l’école le clergé, on eût banni la religion elle-même.

Puttkamer, d’ailleurs, affectait très habilement, dans le synode général, de défendre contre les détracteurs certaines des innovations scolaires de Falk : il affectait de maintenir, aussi, que si l’Église et l’Etat devaient collaborer fraternellement pour la besogne pédagogique, c’était du moins à l’Etat, tout seul, qu’appartenait le rôle directeur et l’influence décisive. Mais, abordant le débat qui mettait aux prises l’idée laïque et l’idée confessionnelle, il le ramenait à certains termes qui laissaient prévoir la rigoureuse âpreté de ses solutions. « L’école primaire, disait-il, doit-elle se fourvoyer dans la mer sans rivages d’une culture générale purement humanitaire, ou doit-elle demeurer solidement fondée sur les imprescriptibles principes qui ont leur point de départ dans l’éternité, et qui ramènent vers l’éternité, sur les principes qui donnent en même temps les garanties de toute vie morale, de toute liberté morale ? »

Le synode général applaudissait ; sous l’œil bienveillant du ministre, on émettait le vœu qu’il n’y eût plus d’écoles primaires simultanées, et puis on émettait l’exigence qu’en tout état de cause il ne fût plus question d’écoles normales simultanées. L’Empereur avait laissé partir Falk avec joie ; la représentation suprême des communautés évangéliques condamnait à son tour le système Falk. « La base la plus profonde de la formation des partis politiques, lisait-on dans une feuille conservatrice, c’est la situation que chacun prend vis-à-vis de Dieu. Reconnaître le Dieu vivant, c’est être conservateur ; le nier, c’est être libéral. » La vieille majorité bismarckienne qui avait fait le Culturkampf était ainsi accusée de nier Dieu ; le synode général et Puttkamer vengeaient Dieu.