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montrassent respectueux du but visé par l’Etat dans l’école, et respectueux, aussi, des circulaires des autorités scolaires.

Les catholiques réclamaient autre chose, des modifications législatives, des modifications budgétaires ; mais là, tout de suite, ils se heurtaient au flegme de Puttkamer, qui savait Bismarck hostile. Bismarck s’agaçait de cette obstination des gens du Centre à vouloir eux-mêmes donner le coup de sape à l’édifice des lois de Mai. Des concessions à l’Eglise, c’était affaire à lui ; il ne pouvait comprendre que le Centre fît graviter toute la politique autour de la question religieuse. Une feuille de caricatures, Les Guêpes, représentait Windthorst arrêtant Bismarck qui portait dans un gros sac le projet relatif aux voies ferrées, puis secouant à sa table Eulenburg, qui étudiait un projet de loi sur la Silésie, puis sautant sur le ministre des Finances, qui voulait légiférer sur la Bourse, et leur criant aux oreilles, comme une sorte de Delenda Carthago : Il faut traiter avec Rome ; oui, traiter avec Rome.

« Il faut, » c’est un mot que Bismarck tolérait à la rigueur, sur les lèvres de son Roi ; c’est un mot qu’il acceptait de se laisser souffler à l’oreille par les circonstances, ces grandes souveraines ; mais un tel mot, harcelant, lancinant, sur les lèvres de ce « petit Guelfe aux dents de loup, » cela, Bismarck ne le voulait pas. Il voulait que les députés du Centre votassent pour lui, Bismarck, sans mettre les choses d’Eglise sur le tapis parlementaire ; les choses d’Eglise, cela le regardait, lui, et cela regardait le Pape. Mais ces députés faisaient tout le contraire, puisque, d’une part, ils obsédaient Puttkamer de leurs réclamations, et puisque, d’autre part, dans le débat sur les chemins de fer, dans un débat sur la police rurale et forestière, ils votaient contre l’opinion de Bismarck. Alors, au cours de décembre, le chancelier perdit patience, et vengea sur Rome les allures indépendantes du Centre. Il écrivit à Vienne pour commander au prince de Reuss de laisser les négociations en suspens ; il se disposa même à faire savoir à Rome, sur le ton dont il savait briser, pourquoi il brisait. Un rapport de Reuss survint à temps pour le faire renoncer à cet éclat ; il se contenta de bouder sans dire pourquoi, laissant au Pape le soin d’en deviner les causes ; et lorsque Puttkamer, après Noël, voulut renvoyer Hübler à Vienne pour un supplément d’entretiens, Bismarck s’y opposa.