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l’édifice scolaire construit par Falk. Puttkamer déclara que l’inspection des écoles locales devait régulièrement appartenir aux hommes d’Eglise, plus cultivés que les instituteurs, et mieux situés socialement, et qu’il ne convenait pas, dès lors, de les subordonner à des inspecteurs de districts qui, sortis des écoles normales, fussent d’une culture inférieure à la leur. La surveillance de l’enseignement à tous les degrés était lentement rendue aux membres des deux clergés. On créait au ministère une section spéciale pour y installer comme directeur un bureaucrate qui, du temps de Falk, s’était fait remarquer par son hostilité contre Falk ; sous le patronage des conservateurs protestans et du Centre catholique, une nouvelle ère s’ouvrait pour l’école prussienne. Les caricatures représentaient Bismarck tendant à Puttkamer un long fleuret sur lequel était écrit le mot : Culturkampf ; mais c’était un fleuret moucheté, et Bismarck disait à son ministre : « Va à Canossa, mon fils ! Moi, je suis trop vieux. »

Bismarck, à certains jours, lorsqu’il souhaitait que les bonnes volontés romaines reprissent haleine et courage, faisait dire par ses journaux qu’il ne pouvait pas tout ce qu’il voulait, qu’il devait compter avec son Landtag. Il y avait un pays où il était plus maître que dans la Prusse même, c’était la « terre d’Empire : » à Strasbourg, à Metz, le maréchal de Manteuffel inaugurait une politique que l’on traitait de cléricale. Sa première visite, à Metz, était pour l’évêque Dupont des Loges ; il l’interrogeait sur ses désirs et il les exauçait ; le petit séminaire de Zillisheim était solennellement rouvert, et Manteuffel y faisait une promenade ; pour les besoins du sacerdoce, il faisait exempter des séminaristes déclarés aptes au service ; il allait bientôt ouvrir l’Alsace-Lorraine aux religieux expulsés de France, pourvu qu’ils ne fussent ni Jésuites ni Rédemptoristes ; il présentait à Dupont des Loges, pour les décrets de Jules Ferry, des condoléances sincères et gênantes. Ainsi la dictature, en Alsace, était entre les mains d’un bon protestant qui protégeait l’Eglise romaine, et que l’on considérait, à Berlin, comme un successeur possible de Bismarck.


VI

Rome assurément épiait ces divers symptômes, et Rome, de son côté, lançait une phrase, qui fit croire, au milieu de mars,