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que le Culturkampf touchait à son terme. La presse répandit une lettre que Léon XIII avait, le 24 février 1880, adressée à l’archevêque Melchers, et qui témoignait éloquemment d’un grand désir d’entente[1]. Le Pape remerciait Melchers d’avoir commenté pour l’Allemagne son encyclique sur le socialisme, il affirmait de nouveau son désir de la paix ; et puis il ajoutait que, « pour hâter l’accord, il était disposé à souffrir que les noms des prêtres appelés par les ordinaires des diocèses à partager leur sollicitude pour le soin des âmes fussent communiqués au gouvernement avant l’institution canonique. » Cette démarche pontificale fit grand bruit. Dans le Centre, les avis étaient partagés : Windthorst, Franckenstein, demeuraient médiocrement confîans dans l’issue ; Schorlemer-Alst, au contraire, saluait comme un heureux présage l’avance esquissée par Léon XIII. Que l’Eglise fût obligée de communiquer à l’Etat les noms des curés, c’était là, aux yeux de Reichensperger, une exigence inacceptable, tant qu’elle faisait partie du système de contraintes organisé par les lois de Mai ; mais il ajoutait qu’envisagée en elle-même, détachée de cet orgueilleux et tyrannique réseau, cette exigence n’avait pas la portée d’un casus belli, et Reichensperger applaudissait à la générosité de Léon XIII. Le Pape capitule, s’écriaient les journaux libéraux ; c’est un Canossa à rebours. A quoi un publiciste du Centre ripostait : « Ces journaux, autrefois, voulaient enlever à celui qu’ils appelaient le prêtre étranger toute influence sur les affaires allemandes ; aujourd’hui, il y a grande joie dans Israël parce que ce même prêtre explique n’avoir pas d’objections à faire bénéficier l’Allemagne de telle ou telle tolérance. »

Tandis que s’échauffait la presse, Reuss, à Vienne, réclamait de Jacobini quelques éclaircissemens : quelles étaient exactement les catégories de prêtres auxquelles s’appliquerait la concession proposée, par le Pape ? et quelles concessions précises le Pape réclamait-il, en échange ? Une déclaration du ministère prussien, datée du 17 mars, précisait les réflexions de Reuss : le ministère, dans cette note, déclarait apprécier le signe nouveau qu’avait donné Léon XIII de ses dispositions pacifiques ; il se réjouissait que « pour la première fois ces dispositions

  1. Il y avait eu, antérieurement, une lettre de Léon XIII à Bismarck, lettre dont nous ne savons pas le contenu, mais que mentionne dans ses Mémoires, à la date du 20 janvier 1880, le prince de Hohenlohe.