Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/552

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvassent une expression concrète, » mais il ajoutait que, malgré cet effort pour être concret, le langage papal était encore trop exclusivement théorique ; il demandait quelle suite pratique serait donnée aux ouvertures de Léon XIII, et promettait qu’en retour le gouvernement réclamerait de la Chambre les autorisations nécessaires pour relâcher l’application des lois de Mai, et pour adoucir ou pour écarter les mesures administratives que l’Église interprétait comme des duretés.

Cette décision ministérielle mit quelque temps à parvenir à Rome ; le Saint-Siège ne la connaissait pas encore, lorsque, le 23 mars, le cardinal Nina, dans une lettre à Jacobini, s’expliquait sur les concessions que le Pape et la Prusse devaient échanger. Les instructions que Léon XIII était prêt à envoyer aux évêques stipuleraient que les noms des curés inamovibles, — mais de ces curés seuls, — devraient à l’avenir être communiqués à l’État ; que cette formalité viserait simplement à requérir pour ces nominations l’agrément du pouvoir civil, et qu’en cas d’objections émises par l’État contre telle ou telle personnalité, les évêques et en dernier ressort le Pape seraient juges. Puis, ayant ainsi formulé les offres du Pape, le cardinal posait trois questions :


La Prusse, demandait-il, permettrait-elle que les évêques, présens ou absens, s’adressassent au gouvernement, par lettre, pour indiquer les noms des prêtres à nommer ? La Prusse accorderait-elle la réintégration des évêques, l’amnistie, l’abolition des procès en cours ? La Prusse s’engagerait-ello à mettre sa législation en accord avec les principes de l’Église, surtout en ce qui regarde le libre exercice du ministère et la formation du clergé ?


Si Reuss, à ces trois questions, répondait oui, Léon XIII, tout de suite, rédigerait, à l’adresse des évêques, les instructions conciliantes que faisait prévoir sa lettre à Melchers.

Le courrier portant la décision ministérielle du 17 mars et le courrier portant la lettre de Nina du 23 mars se croisèrent en route : de part et d’autre, les deux pouvoirs purent constater leur grave désaccord. Léon XIII persistait à vouloir la révision des lois de Mai : et tout ce à quoi Bismark consentait, c’était à en mitiger l’application, moyennant quelques pouvoirs discrétionnaires qu’il obtiendrait de la Chambre. Bismarck se montrait défiant ; il trouvait trop académiques, trop peu pratiques, les avances de Léon XIII ; il épluchait, devant Busch, certains mots de la lettre à Melchers. Ce Pape est conciliant,