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taxe prélevée sous ce nom sur chacun des sujets du Roi était, à l’origine, de 5 p. 100 du revenu réel, évalué par des procédés nécessairement fort arbitraires. Elle fut doublée sous Louis XV et portée jusqu’à 10 pour 100. Cet impôt du vingtième ne frappait pas seulement le produit des domaines et des propriétés foncières, dont on pouvait, à la rigueur, malgré le défaut de cadastre, apprécier la valeur d’une manière approximative ; il s’étendait, de plus, aux produits du travail et de l’intelligence humaine : c’était ce qu’on appelait les vingtièmes d’industrie. Là, on nageait en pleine incohérence et en pleine fantaisie. Nulle contribution n’excitait tant de plaintes légitimes et de contestations fondées.

Faute de pouvoir, comme il l’aurait souhaité, procéder sur ce point à une réforme générale, transformer l’impôt du vingtième en un impôt exclusivement foncier, établi sur des bases sérieuses et rationnelles, « proportionné, suivant son expression, au revenu des biens fonds, d’après des principes uniformes et certains, » Necker voulut supprimer tout au moins ce qu’il jugeait avec raison l’article le plus irritant. Il abolit les vingtièmes d’industrie, non partout, il est vrai, car il excepta les grands centres, mais « dans les bourgs, villages et campagnes, » tant, disait-il, « pour y attirer davantage l’industrie, que parce que l’on ne pouvait pas y régler cette imposition comme dans les villes, où la répartition est confiée aux chefs des corps et communautés[1]. » Ainsi libérait-il d’une charge cruellement pesante la classe intéressante des travailleurs ruraux.


C’est dans le même esprit et c’est d’après la même méthode, faite (le prudence et d’équité, qu’il touche à l’impôt de la taille. Cette taxe, d’origine ancienne et d’un produit fructueux, était, dans son essence, prélevée sur la propriété foncière ; elle ne frappait qu’accessoirement les revenus fonciers et mobiliers. Elle avait un vice capital, c’était son inégalité criante, l’exemption dont jouissaient une bonne part des sujets du Roi, et les plus opulens d’entre eux, les membres du clergé, les membres

  1. Le Parlement crut devoir faire parvenir au Roi des remontrances au sujet de cette réforme. Louis XVI y répondit par une note détaillée, qui fut, dit-on, rédigée par Necker et qui fut très mal accueillie par la magistrature. « Cette réponse, dit à ce propos l’un des membres du Parlement, ressemble à l’épée de Charlemagne, en ce qu’elle est longue et plate. » (Correspondance publiée par Lescure. 17 février 1778.)