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sept ans, puis de sept à douze ans. Pierre et Simone en profiteront, quand ils atteindront eux-mêmes l’âge qualifié d’ingrat… D’ici là, je compléterai pour eux mes observations sur leurs, aînés, sur ceux qui en sont au troisième âge de l’enfance, qui, bientôt, seront des jeunes gens et des jeunes filles, l’espoir de demain, autrement dit : la nouvelle couvée… Savez-vous que ces vacances à Ambleuse vont singulièrement enrichir mes fiches établies, outre qu’elles vont me donner l’occasion d’établir des fiches nouvelles ?… Depuis cinq jours que je suis en Berry, il ne s’est guère passé vingt-quatre heures que je n’aie noté quelque chose, non seulement sur les fiches de Simone et de Pierre, mais sur celles de Noël Laterrade, de Sylvie Bertrand-Tasqué, de Georges de Lespinat. En outre, j’ai constitué des fiches supplémentaires pour Mlles Demonville, Blanche et Madeleine, quatorze et treize ans, pour leurs jeunes amis Sam et Daisy Footner, pour Guy Demonville, pour…

Vous m’interrompez :

— Mais d’où diable connaissez-vous tout ce petit monde-là ?

Oh ! c’est bien simple. La nouvelle qu’un homme de lettres allait demeurer dans son voisinage avait révolutionné Mme Demonville, la châtelaine de Chambon. Je n’étais pas à Ambleuse depuis une heure, je n’avais pas fini de ranger mes faux-cols dans ma commode, lorsqu’un chasseur à bicyclette m’apporta une lettre sur papier bleuté, fleurant discrètement l’œillet, écrite de la longue écriture à la mode. On me suppliait de venir avec les Lespinat et les Laterrade déjeuner, dès le lendemain, à Chambon. Je ne m’en souciais guère ; mais je compris qu’en refusant, je désobligeais mes hôtes et surtout votre belle-sœur, qui avait juré de m’amener. Je me suis rendu à ce déjeuner comme à une corvée. Je ne m’y suis point ennuyé ; et j’ai même, depuis, noué avec Chambon des relations assez actives. Ceci mérite une explication.

La pimpante Mme Demonville, — vous la connaissez : quarante ans, l’air d’en avoir trente, blonde artificielle, très parleuse, très remuante, — s’est installée en Berry dès la fin d’août. Elle a abrégé son séjour sur la côte normande : la mer énervait Blanche, sa fille aînée ; les nerfs de cette jeune fille se tendent à l’air marin, paraît-il, comme des chanterelles. Le mari, que les affaires de sa banque retiennent à Paris et que Chambon n’amuse guère, arrive le samedi de chaque semaine