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distans d’une distance connue, dont ils salueront la figure sur une imago et dont ils connaîtront ce que, dans une grande maison, les enfans savent, dès les premières années, sur les illustrations de la famille.

Même système pour toute autre étude, géographie, arithmétique, élémens des sciences, langue française. Rien d’enseigné « en l’air, » c’est-à-dire sans connexion avec ce qui précède et ce qui suit, sans lien continu avec l’enfant lui-même. Rien d’enseigné qui ne le soit une fois pour toutes ; on ne doit plus l’oublier, c’est une partie de l’armature pour l’enseignement de demain. D’une année sur l’autre nous enseignerons toujours la même chose, dans le même ordre, à l’aide des mêmes mots, mais avec un développement progressif des chapitres.

Nota bene : La conviction que rien ne sert d’apprendre, si l’on ne retient, nous fait remettre en honneur une faculté qu’il est de bon ton de mépriser dans les parlotes pédagogiques : la mémoire… Nous avons, au contraire, élevé dans la salle d’études un autel à la Mémoire. Pierre et Simone, comme la plupart des enfans, ont d’assez bonnes mémoires, celle de Simone plus prompte et moins fidèle, celle de Petit-Pierre plus lente et plus durable… Nous exerçons infatigablement la mémoire, convaincus que toute science s’appuie sur une armature que, seule, la mémoire conserve, comme le minium conserve le fer. Il faut savoir retenir les agencemens d’idées, l’ordre des choses ; mais souvent aussi il est indispensable de retenir des mots, des noms, des chiffres. Comme notre enseignement est méthodique par essence, nous ne risquons pas de dresser des perroquets : nos élèves savent toujours pourquoi il leur faut apprendre par cœur ceci ou cela. Et quand il ne s’agit que d’un pur exercice de mémoire, d’apprendre des mots comme on fait en gymnastique des gestes inutilisés, nous évitons encore de faire apprendre des niaiseries. Nous nous sommes donné la peine de composer une petite anthologie avec les morceaux de prosateurs ou de poètes qu’on n’a pas le droit d’ignorer : par exemple, la phrase de Pascal sur le roseau pensant, la stance de J.-B. Rousseau sur les insulteurs du soleil. Voilà nos exercices de mémoire : ce qu’ils acquièrent à nos pupilles leur est utilement acquis. Et comme, au lieu d’affaiblir par l’enseignement simultané d’une langue étrangère leur faculté d’échanger les idées, on s’applique toujours à perfectionner leur connaissance des mots et des