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J’ai dessein de reprendre et de poursuivre cette série des Contemporains interrompue pendant cinq ou six ans par des besognes à la fois plus ambitieuses et, au fond, plus frivoles. Car c’est sans doute la forme de la critique qui, à propos des personnes originales de notre temps ou des autres siècles, permet le mieux d’exprimer ce qu’on croit avoir, touchant les objets les plus intéressans et même les plus grands, d’idées générales et de sentimens significatifs.


De ces propos peut-être contradictoires ne concluons qu’une chose : c’est que M. Lemaître est un critique peu dogmatique, et intermittent. Il n’en sera pas plus aisé à définir.

Ce qui augmente la difficulté, c’est l’extrême diversité des études qui composent ces sept volumes de Contemporains. Car, d’abord, il n’y est pas question que des seuls contemporains, — Virgile ou Horace, l’auteur de l’Imitation ou La Bruyère, Lamartine ou George Sand pouvant malaisément passer pour des auteurs de la troisième République ; et peut-être, comme il arrive souvent, conviendrait-il, pour baptiser exactement l’ensemble du recueil, de lui donner comme titre son simple sous-titre : Études et Portraits littéraires. En second lieu, ces études qui ne sont pas toujours, pour le fond, exclusivement « littéraires, » mais au moins autant, et parfois plus, psychologiques ou morales, ces études ne sauraient, en aucune façon, se ramener à l’unité d’un même procédé critique. Il y a, dans les Contemporains, presque autant de « types » d’articles que d’articles. Portraits en pied ou en buste, esquisses vivement enlevées, silhouettes, pastels ou « figurines, » miniatures à la Meissonier, ou larges morceaux de « critique à fresque, » méthodiques analyses d’ouvrages, « regards historiques ou littéraires, » vues d’ensemble sur un mouvement d’idées ou sur une période artistique, lestes chroniques sur le livre du jour ou sur l’événement de la veille, parodies, discours, rêveries, dialogues ou contes, fragmens de journal intime et délicieux « billets du matin... » que sais-je encore ! Il y a de tout cela dans les Contemporains... Quand on vient de relire d’un bouta l’autre ces sept volumes et qu’après avoir admiré la prestigieuse souplesse de l’esprit qui les a conçus, on se voit dans l’obligation d’en rendre compte en quelques pages, on se sent pris d’un véritable sentiment de détresse intérieure, comme à la pensée d’étreindre quelque Protée, d’enfermer dans la pauvre rigidité d’une formule abstraite l’infinie, l’ondoyante, la