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chose à côté des clameurs soulevées par la réforme des Maisons du Roi et de la Reine. C’était là, en effet, sous l’ancienne monarchie, une question capitale. Aucune réforme n’était plus urgente, plus juste en soi, plus vivement réclamée par l’opinion publique, et en même temps plus difficile, plus dangereuse à tenter. Pour l’avoir naguère entreprise, Malesherbes avait dû se démettre, Turgot avait été chassé. Tout récemment encore, sous les yeux de Necker, le comte de Saint-Germain venait de succomber aux rancunes provoquées par ses essais de réduction parmi les corps privilégiés qui constituaient la Maison militaire. Ces souvenirs étaient inquiétans. Necker refusa, malgré tout, de se soustraire à cette tâche redoutable, mais il attendit patiemment que plusieurs années de succès, de services signalés rendus au Roi et à l’Etat, lui eussent créé une situation assez forte. Il se contenta jusque-là d’opérations préparatoires, telles que le règlement relatif aux dépenses de la Maison du Roi. Le désordre y était affreux, l’habitude étant prise de ne solder chaque dette que quatre années après qu’elle était contractée ; aussi l’arriéré s’élevait-il à une somme formidable. Une révision approfondie des comptes et la liquidation générale du passif permirent, tout au moins, de voir clair dans la situation. Ceci fait, Necker ajournait à une date ultérieure la réformation plus complète, le grand « coup de balai, » qu’on espérait de lui. Ce fut au commencement de l’un 1780 qu’il se jugea suffisamment solide pour se risquer à cette besogne.


On a peine à imaginer ce que représentait alors, comme personnel et comme dépense, la machine, aux rouages innombrables, qu’on nommait la Maison du Roi. Depuis plus de deux siècles, chaque souverain, chaque ministre, y avait, peut-on dire, ajouté quelques pièces et l’avait enrichie de quelque organe nouveau. En revanche, rien jamais n’en était supprimé, tout retranchement passant pour une atteinte portée au prestige du souverain et à la majesté du trône. Vers la fin du XVIIIe siècle, sous le règne du plus simple et du plus modeste des princes, la seule Maison civile comprend vingt-deux services, auxquels président quarante-deux officiers des cérémonies, sous l’autorité du Grand Maître. Cinquante médecins, chirurgiens et apothicaires, pour ne citer que ce détail, sont attachés à la personne du Roi, chacun pourvu d’un gros traitement. La