Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maison militaire, malgré les réductions qu’y a opérées Saint-Germain, comprend une dizaine de mille hommes, avec force grands dignitaires. La Maison de la Reine, bien que moins imposante, occupe aussi un nombreux personnel. L’abus est plus flagrant encore lorsqu’il s’agit des princes du sang. Dans la Maison du Comte d’Artois sont quatre cent quarante « officiers, » deux cent soixante dans celle de son épouse. Quand Mesdames tantes vont prendre les eaux à Vichy, elles mènent pour le voyage deux cent cinquante personnes et cent soixante chevaux.

Bref, si l’on veut faire le calcul de tous les offices et emplois, largement rétribués, qui se rattachent de quelque manière à la Cour, on arrive au total de six mille charges civiles et de neuf mille charges militaires, qui, réunies, coûtent environ trente-neuf millions de livres, soit le douzième, ou peu s’en faut, du revenu général du Trésor, chiffre auquel il faut ajouter les pensions, gratifications et « grâces » de toute nature dont je parlerai tout à l’heure.

Telle était la forêt épaisse, inextricable, au travers de laquelle Necker s’aventurait, la cognée à la main, non pas sans doute pour tout jeter à bas, mais pour y pratiquer des coupes et pour éliminer la végétation parasite. Par une mesure préliminaire, décrétée au mois de juillet 1779, il supprimait les nombreuses « trésoreries » des deux Maisons du Roi et de la Reine, qu’il remplaçait par un unique « trésorier-payeur général des dépenses de Leurs Majestés. » Il substituait ainsi un seul office à vingt et un, aux applaudissemens du public, qui découvrait dans ce prélude l’annonce de coups plus décisifs. « Le préambule de cet édit, qui est un chef-d’œuvre de bienfaisance et d’honnêteté, ravit et enchante tous les cœurs et tous les esprits. On est dans l’extase et dans l’enthousiasme[1] ! » C’est sur ce mode lyrique que s’exprime le gazetier Métra.

L’année suivante allait voir ces espoirs se réaliser en partie. Ce sont d’abord les deux édits promulgués le 19 janvier 1780, dont l’un abolit force places d’intendans et de contrôleurs dans les divers services des Maisons royales et princières, dont l’autre, plus hardi, enlève aux titulaires de certaines grandes charges de Cour le privilège, lucratif autant qu’abusif, de vendre à leur profit les charges subalternes. Puis, le 1er septembre,

  1. Correspondance de Métra, 26 juillet 1779.