Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Manies éphémères du reste, et lorsque La Fontaine écrit (1668), dans sa fable de « La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf, » que « tout marquis veut avoir des pages, » il fait allusion à une mode qui, précisément, va passer ; c’est à peine si, vers 1680, les ducs ont un page et à la fin du règne il ne s’en voit plus. Un autre « domestique, » comme on disait au XVIIe siècle, eut une existence encore plus courte : le « gentilhomme di belle lettere. » L’usage italien, adopté en France, voulut qu’au temps des Précieuses et de la Fronde on eût, sur l’état de sa maison, soit sous titre de secrétaire, de maître d’hôtel ou d’écuyer, soit sans titre défini, un homme d’esprit à ses gages, logé souvent, nourri et voiture toujours.

Au XVIIIe siècle il n’y a plus guère, chez les personnes privées, aucun de ces emplois honorifiques, intermédiaires entre le vassal et le valet, qui sont de règle au moyen âge : chez la comtesse de Bar, dont le train se compose de 54 personnes pour elle-même et de 20 personnes pour ses enfans (1352), le « chevalier, » le maître d’hôtel, l’écuyer-tranchant, l’écuyer-échanson, et les 2 chambellans, qui viennent en tête de liste, n’ont socialement rien de commun avec des serviteurs comme le clerc de cuisine, le huchier ou le bouteiller. Chez Marie de Sully, dame de La Trémoîlle (1396), où les domestiques sont au nombre de 58, les 3 « dames » ne sauraient être assimilées avec les 8 femmes de chambre de Madame et de ses deux filles ; pas plus que les 4 écuyers, ayant chacun un valet, avec le dépensier, les cuisiniers, les valets de haquenée et de char.

Cent ans plus tard (1493), le sire de La Trémoïlle entretient à la tête de sa maison 5 maîtres d’hôtel, qualifiés de « seigneurs » et de « messires, » qu’une démarcation profonde sépare des magister, médecin et secrétaire de Monseigneur, simplement traités de « maîtres, » eux-mêmes très supérieurs aux queux, barbier, fourrier, « pallefranier » et autres subalternes, par le rang sinon par les gages, puisque les muletiers gagnent autant que le précepteur (560 francs) et plus que le secrétaire (420 fr.). Il est vrai que les clercs d’office et les femmes de chambre descendent à 224 et 112 francs par an, tandis que le seigneur de La Rivière, premier maître d’hôtel, touche 1 680 francs.

Au XVIe siècle (1552), le titulaire de cet office dans la même maison, « monsieur de La Guyonnière, » ne recevait que