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sexes : il oscilla au XVIIIe siècle de 4 à 5 francs pour des filles qui gagnaient 80 francs par an. Celles-ci avaient également à payer de leur poche les soins médicaux et les remèdes ; le maître en fait seulement l’avance et les retient sur les gages : c’est tantôt une saignée, tantôt « une purge et du pain blanc » pour 1 fr. 65, — le pain blanc était alors un remède (1765). — Si l’on ajoute que les congés sont rares, que le valet qui s’absente doit solder un remplaçant 0 fr. 90 par jour, il ne semblera pas que l’emploi de domestique fût très enviable.

Aussi n’était-ce, aux yeux de beaucoup, qu’un état de transition : tel valet, au XVIIe siècle, s’enrôle contre les Impériaux, tel autre part dans un vaisseau contre les Turcs. Il n’était pas très rare de voir le maître, en les engageant, promettre de leur payer l’apprentissage de quelque profession. S’il ne l’a pas promis, il le fait quelquefois par charité. Cet apprentissage était une libération de la domesticité. M. de Pisani, en son testament, recommandait à ses héritiers « de faire apprendre métier à ses laquais qui ont été nourris à sa suite dès leur jeune âge. »


Les serviteurs de l’ancien régime, sur la fidélité desquels on nous a servi plus d’une légende, n’étaient pas supérieurs aux nôtres. Ils ne restaient pas en général plus longtemps en place que ceux de nos jours ; leur inconstance amenait les bourgeois, il y a cent cinquante ans, à faire avec eux des baux comme avec les fermiers. Il en est en Saintonge qui « s’accueillent, » — c’est le terme consacré, — pour deux ans avec promesse de ne pas demander d’augmentation. A lire les conseils donnés aux maîtresses de maison par le Ménagier de Paris (1393), on voit que les renseignemens demandés étaient, au XIVe siècle, les mêmes qu’aujourd’hui : « Ne prenez aucunes chamberières que vous ne sachiez avant où elles ont demeuré et y envoyez de vos gens pour enquérir de leur condition sur le trop parler, sur le trop boire, combien de temps elles ont demeuré, quel service elles faisaient et savent faire, si elles ont chambres ou accointances en ville, de quel pays et gens elles sont, combien elles y demeurèrent et pourquoi elles partirent... Une fois entrées, si vous avez vos chamberières de quinze à vingt ans, pour ce que en tel âge elles sont sottes et n’ont guère vu du monde, faites-les coucher près de vous en garde-robe et chambre où il n’y ait