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affaires du Cabinet Dupuy-Hanotaux, — l’Allemagne et l’Italie tardaient à reconnaître son successeur, le jeune Mouley-abd-el-Aziz ; on parlait d’un compétiteur possible, d’intrigues européennes ; trois croiseurs français parurent devant Tanger, et ce fut, pour l’Europe, un utile avertissement : la France ne permettrait pas que la question du Maroc fût ouverte sans elle.

Longtemps l’Angleterre a cherché à établir sa prépondérance au Maroc. Elle ne s’est jamais désintéressée de l’avenir d’un pays qui tient une des portes de la Méditerranée. Vers 1894, à une époque où elle pouvait encore se demander si elle ne serait pas obligée d’évacuer l’Egypte, on envisagea à Londres l’éventualité de reprendre, pour le trafic des Indes, l’antique route de Vasco de Gama par le cap de Bonne-Espérance. La possession, sur la côte atlantique du Maroc, d’un bon port, serait alors devenue indispensable à l’Empire britannique. Ce fut l’époque de la plus grande activité des agens anglais au Maroc. Le ministre d’Angleterre à Tanger, sir John Drumond Hay, eut, jusqu’à son départ (1894), toute la confiance de Mouley-el-Hassan. Un ancien sous-officier de la garnison de Gibraltar, devenu le caïd Mac-Lean, avec le correspondant du Times, M. W. Harris, devinrent, après la mort du Sultan, les conseillers de son ancien grand vizir Ba-Ahmed qui fut, jusqu’à 1900, le vrai chef du gouvernement au nom d’Abd-el-Aziz mineur. Durant cette période, une solution anglo-allemande de la question marocaine fut, à diverses reprises, envisagée et même préparée. L’action des agens anglais était dirigée contre la France, et non contre l’Allemagne ; au Maroc, comme partout en Afrique, Anglais et Allemands se prêtaient un mutuel appui. Le géographe allemand, Dr Théobald Fischer, circula sans difficultés, sous le patronage des agens anglais, dans toute la région de Mogador, et l’on parla, à cette époque, dans les milieux coloniaux allemands, d’un établissement à créer dans le Houz. Des voyageurs allemands cherchaient à relier commercialement le Maroc avec le Soudan. Cette activité de l’Allemagne au Maroc aurait pu devenir très redoutable pour nos intérêts, mais, en dernière analyse, elle a tourné à notre avantage. Allemands et Anglais, tout en vivant en bonne intelligence, se trouvaient cependant en concurrence ; le résultat de leurs intrigues parallèles, au Maroc, se trouva être finalement que ni les uns ni les autres ne réussirent à s’y implanter fortement.