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A plusieurs reprises on parle, à Tanger, d’un protectorat anglais au Maroc ; encore en 1901 un projet de ce genre paraît sur le point d’aboutir ; mais à ce moment la politique française devenait de plus en plus active dans la région frontière et au Maroc même, sous l’impulsion de M. Révoil (envoi de deux navires de guerre devant Tanger, 16 mai 1901 ; etc.) ; le Sultan alarmé envoie à Londres (15 juin), puis à Berlin son favori El-Menebhi ; il offre, dit-on, de reconnaître le protectorat anglais sur le Maroc, si l’Angleterre s’engage à le soutenir contre la France. Lord Lansdowne refuse. Une autre ambassade, composée de Ben-Sliman et de El-Guebbas, vient à Paris le 20 juillet et va de là à Pétersbourg ; elle jette avec M. Révoil les bases de l’accord qui organise la pénétration pacifique française dans la région frontière et fonde notre influence sur le principe de l’intégrité du Maroc et de la souveraineté du Sultan. Désormais, l’Angleterre a pris son parti. L’expérience lui a prouvé qu’un protectorat anglais au Maroc, si près de l’Algérie, et en présence de l’Allemagne jalouse, serait une entreprise difficile. L’idée d’un Maroc anglo-allemand, qui lui paraissait acceptable dix ans auparavant, lui semble maintenant inadmissible. Et cependant, il devenait de plus en plus évident que la situation intérieure du Maroc, rendrait nécessaire, dans un avenir prochain, une intervention européenne. Déjà, en 1899, le consul général d’Angleterre à Tunis, sir Henry Johnston, conseillait à son gouvernement de « ne pas s’opposer à l’extension de l’influence française au Maroc à la condition qu’elle assurât à toutes les puissances la liberté commerciale et consentît à la neutralisation de Tanger. » C’est le parti auquel s’arrête l’Angleterre vers la fin de l’année 1901. Dès lors un rapprochement général avec la France est envisagé ; le Maroc en sera l’occasion et le prix ; la France consentira à la neutralisation de Tanger et fera une part à l’Espagne. Il reste à négocier et à tirer le meilleur parti de la situation.

Il résulte de ce que nous venons de dire que, depuis 1880, l’Allemagne a eu, au Maroc, souvent avec l’Angleterre, parfois contre elle, une politique active, qu’à certains momens, des projets de protectorat allemand ont été envisagés et qu’en tout cas, aucune solution amiable de la question marocaine n’était possible sans avoir été précédée, sous une forme quelconque, d’une entente avec le Cabinet de Berlin.