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échange l’Italie se désintéresserait du Maroc et ne mettrait pas d’obstacle à la politique que la France croirait devoir y suivre. Le désintéressement de l’Italie n’avait, en ce qui concerne le Maroc, qu’une importance très secondaire. M. Delcassé poursuivit son dessein. Le premier projet auquel il s’arrêta fut un partage avec l’Espagne. Déjà, en signant la convention du 27 juin 1900, il avait sans doute l’arrière-pensée de gagner la confiance du Roi et du gouvernement espagnol, car il lui abandonnait, entre le Gabon et le Cameroun, un territoire qui parut hors de proportion avec les droits assez vagues de l’Espagne. M. de Léon y Castillo gagna le titre de marquis del Muni à ce succès inespéré, et M. Delcassé put commencer, peu de temps après, avec le Cabinet libéral présidé par M. Sagasta, les négociations qui aboutirent à la convention de 1902. Elle comportait un projet de partage du Maroc entre la France et l’Espagne. Celle-ci aurait obtenu pour son lot, non seulement la partie que devait lui reconnaître la convention secrète du 3 octobre 1904, mais encore Fez et Taza, c’est-à-dire tout le Nord du Maroc avec la seule toute naturelle qui conduise d’Algérie à l’Atlantique. Cette convention, si avantageuse pour l’Espagne, le Cabinet conservateur de M. Silvela, succédant au Cabinet libéral, refusa de la signer. M. Silvela a expliqué les raisons de son abstention. L’Espagne avait, depuis longtemps, partie liée avec l’Angleterre qui lui avait promis que, dans tous les cas, elle participerait à la solution de la question marocaine. M. Silvela craignit de paraître manquer de loyauté vis-à-vis de l’Angleterre et de ne pas trouver, dans l’amitié de la France, une « garantie » suffisante contre des représailles possibles. Au Maroc, comme naguère en Egypte, M. Delcassé se heurtait à l’Angleterre : ce fut avec elle qu’il se prépara à négocier.

Le résultat de cette « conversation » fut l’accord franco-anglais du 8 avril 1904 avec son corollaire, l’accord secret franco-espagnol du 3 octobre 1904. Ce n’est point notre objet d’en apprécier les clauses ni de chercher s’il y a eu un juste équilibre entre les avantages que nous obtenions et le prix dont nous les achetions. Mais, pour en comprendre toutes les conséquences au point de vue des relations franco-allemandes, et pour montrer comment il inaugure, dans notre politique, une méthode différente de celle qui a été suivie jusqu’en 1898, quelques mots d’explication sont nécessaires. L’Angleterre est