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engagée avec l’Allemagne dans une rivalité économique et maritime qui devient, de plus en plus, un antagonisme général et qui domine toute la politique européenne. En même temps, elle liquide, avec la France, le reliquat de « cent années de rivalité coloniale. » Elle combine, avec un art consommé, les deux opérations. La liquidation lui assure partie gagnée sur tous les points essentiels ; elle tient les deux clés de la Méditerranée : l’Egypte, où notre désistement consolide sa situation et la met à l’abri de toute action diplomatique collective des grandes puissances ayant pour but de l’obliger à se conformer à ses engagemens réitérés d’évacuation ; le détroit de Gibraltar, d’où la convention avec l’Espagne, prévue par l’article 8 de la convention du S avril et rédigée d’accord avec le Foreign Office, nous écarte. L’Espagne, trop faible, et vraisemblablement liée à l’Angleterre par des engagemens formels, n’est pas en mesure de fermer le détroit ni de menacer Gibraltar. Tanger sera ville internationale, ouverte et non fortifiée. L’Angleterre s’assure que le reste du Maroc ne sera pas allemand en nous invitant à nous y établir. Les deux grands problèmes méditerranéens se trouvent ainsi résolus selon ses vœux. Voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue si l’on veut comprendre la place de l’accord de 1904 dans la politique contemporaine et les conséquences qu’il a eues pour nos rapports avec l’Allemagne. Il n’est pas seulement la liquidation de nos litiges extra-européens avec l’Angleterre ; il a pour conséquence d’associer la France et l’Angleterre dans une politique commune ; il est la traduction diplomatique de l’ « entente cordiale ; » il en est, avec sa suite inséparable, l’accord franco-espagnol, l’unique expression écrite. Entre les diverses politiques qui se présentaient à nous, l’option est faite.

Une option, en politique, est toujours, nous l’avons montré, une opération délicate, qui a ses dangers et ses avantages. Les avantages d’une entente avec l’Angleterre sont évidens ; il n’est pas besoin d’y insister ; c’est un résultat dont l’importance ne saurait être méconnue que de déplacer en notre faveur le poids si considérable que pèse la Grande-Bretagne dans les affaires de l’Europe. Quant aux inconvéniens, les événemens qui se sont déroulés depuis 1904 et qui ont abouti au traité du 4 novembre 1911, les ont montrés. Avant 1904, nous considérions qu’il y avait dans le monde deux hégémonies menaçantes, l’hégémonie