Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques jours avant qu’elle soit signée, M. Delcassé communique au prince Radolin la convention franco-anglaise, celui-ci répond qu’il trouve l’arrangement « tout naturel et parfaitement justifié. » Le 12 avril, le prince de Bülow, dit au Reichstag : « Nous n’avons aucune raison de supposer que cet accord soit dirigé contre une puissance quelconque. Ce qu’il paraît constituer, c’est une tentative de faire disparaître une série de différends existant entre la France et l’Angleterre au moyen d’une entente amiable. Nous n’avons, au point de vue des intérêts allemands, rien à y objecter... En ce qui concerne spécialement le Maroc, qui constitue le point essentiel de cet accord, nous sommes intéressés dans ce pays, comme d’ailleurs dans le reste de la Méditerranée, principalement au point de vue économique. Nous avons là, avant tout, des intérêts commerciaux. Aussi avons-nous un intérêt important à ce que le calme et l’ordre règnent au Maroc. Nous devons protéger nos intérêts mercantiles au Maroc et nous les protégerons. Nous n’avons aucun sujet de redouter qu’ils puissent y être méconnus ou lésés par une puissance quelconque. » Le 14 avril, répondant à une question du comte Reventlow, le chancelier se déclare partisan d’une « politique de calme réfléchi et même de réserve » et décidé à « ne pas lancer son pays dans une aventure à propos du Maroc. » Au moment de l’accord avec l’Espagne, M. de Richthofen, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, parle encore de : « l’intérêt exclusivement économique que l’Allemagne attache aux affaires marocaines. » Ces délais, pendant lesquels le prince de Bülow laisse venir son heure et attend l’issue de la guerre russo-japonaise (bataille de Liao-Yang, septembre 1904 ; bataille de Moukden, février 1905), le Cabinet de Paris ne les utilise pas pour tirer immédiatement parti de l’accord franco-anglais au Maroc et envoyer sans tarder une mission à Fez. Quand M. Saint-René Taillandier peut enfin partir, il est trop tard. Les défaites des Russes donnent à la politique allemande une occasion trop tentante ; et pourtant, elle semble encore hésiter ; elle prévoit qu’une fois engagée dans la question marocaine, elle ne sera plus maîtresse de retenir le cours des événemens et, sincèrement, elle ne désire pas le conflit. Le 11 février 1905, M. de Kuhlmann, secrétaire de la légation allemande à Tanger, avertit le comte de Chérisey, secrétaire de la légation de France : « Le comte de Bülow m’a fait savoir que le gouvernement