Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/686

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entente marocaine ; puis les négociations officielles sont engagées et marchent très vite. Le 8 février 1909, quelques heures avant l’arrivée d’Edouard VII à Berlin, l’accord est signé. Il définit les intérêts de la France et ceux de l’Allemagne au Maroc. Il s’agit « de faciliter l’exécution de l’Acte d’Algésiras : » Dans ce dessein : « Le gouvernement de la République française, entièrement attaché au maintien de l’intégrité et de l’indépendance de l’empire chérifien, résolu à y sauvegarder l’égalité économique, et par suite à ne pas y entraver les intérêts commerciaux et industriels allemands ;

« Et le gouvernement impérial allemand, ne poursuivant que des intérêts économiques au Maroc, reconnaissant d’autre part que les intérêts politiques particuliers de la France y sont étroitement liés à la consolidation de l’ordre et de la paix intérieure, et décidé à ne pas entraver ces intérêts,

« Déclarent qu’ils ne poursuivront et n’encourageront aucune mesure de nature à créer en leur faveur ou en faveur d’une puissance quelconque un privilège économique et qu’ils chercheront à associer leurs nationaux dans les affaires dont ceux-ci pourront obtenir l’entreprise. »

Le sens de ce texte est clair. A la France, la tâche difficile d’établir au Maroc « l’ordre et la paix intérieure » sans lesquels il n’y a pas de commerce possible, mais à la France aussi les bénéfices de cette tâche, c’est-à-dire, sous une forme plus ou moins atténuée, et à une échéance plus ou moins lointaine, l’essentiel des attributions de la souveraineté. A l’Allemagne, une part dans les entreprises et dans les bénéfices matériels que les Français, en raison de leur prépondérance politique, seraient à même d’obtenir. Cependant, « aucun privilège économique ; » personne n’est exclu ; seulement, la France et l’Allemagne chercheront à « associer leurs nationaux. » Le lendemain de la signature de l’accord, le chancelier, recevant M. Jules Cambon, lui disait en substance : « Maintenant, le Maroc est un fruit qui mûrit pour vous et que vous êtes certains de cueillir ; nous ne vous demandons qu’une chose, c’est d’être patiens et de ménager l’opinion publique allemande. » Pourquoi l’accord de 1909, négocié si opportunément par M. Pichon et qui contenait, dans son texte, les élémens d’une entente définitive, n’a-t-il pas suffi à produire cette entente qu’il recelait en germe ? La question ainsi posée vient de faire, à la Chambre et au Sénat, soit dans