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la discussion publique, soit dans le rapport de M. Pierre Baudin, soit dans la presse, l’objet d’une discussion si approfondie que nous ne songeons pas, après tant d’autres et de plus qualifiés, à la reprendre. Nous nous bornerons, en nous inspirant de ce que nous avons dit jusqu’à présent, à quelques réflexions. La cause qui a empêché la déclaration de 1909 de produire tout son effet utile, il faut la chercher d’abord dans les raisons de politique générale que nous avons exposées. Les questions marocaines ne s’expliquent pas isolément, il faut les regarder en fonction de la situation générale de l’Europe. L’accord de 1909 ne peut pas être séparé de la crise européenne qui résulte de l’annexion de la Bosnie par l’Autriche-Hongrie. La crise se termine par un succès diplomatique de l’Allemagne et, dès qu’elle est finie, la presse pangermaniste ne tarde guère à remettre le Maroc sur le tapis, et l’on voit des Allemands travailler avec une nouvelle ardeur à obtenir une part du Maroc et à provoquer une intervention du Cabinet de Berlin. D’autres contradictions pesaient sur la pacification marocaine. Il y avait incompatibilité entre les impatiences des gens d’affaires allemands, soutenus par leur gouvernement, qui voulaient tirer un bénéfice immédiat de la mise en valeur de l’empire chérifien, et la nécessité de laisser la France y établir d’abord l’ordre et la sécurité. Il n’était guère possible, pour le moment, de faire mieux que de créer des sociétés internationales où la France aurait la plus grosse part et l’Allemagne une part importante des bénéfices ; mais ces bénéfices, il n’était pas possible de les réaliser dans des proportions intéressantes, tant que l’état intérieur du pays ne permettrait d’y entreprendre ni chemin de fer, ni routes, ni exploitations industrielles ou minières. D’ailleurs, il faut observer que ces associations d’intérêts français et allemands n’étaient pas sans soulever quelque inquiétude parmi les nationaux des autres pays, parmi les Anglais notamment, dont la part dans le commerce général du Maroc est beaucoup plus forte que celle des Allemands[1]. Il ne pouvait être question, il ne fut jamais question d’éliminer personne ; mais que tel ait

  1. La statistique de 1910 a donné les résultats suivans :
    ¬¬¬
    Commerce total 126 139 165 francs.
    Commerce français (45 pour 100) 56 890 595 —
    Commerce anglais (27 pour 100) 34 673 870 —
    Commerce allemand (13 pour 100) 16 611 104 —

    La proportion des différens pays dans l’importation et l’exportation se résume ainsi, pour la même année 1910 : ¬¬¬

    Importation Exportation
    P. 100 P. 100
    France 46 43
    Angleterre 33 19
    Allemagne 9 17

    (Extrait du rapport de M. Pierre Baudin.)