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la multiplicité des rythmes en la trouvant surtout dans le XVIe siècle. En ceci le romantisme a été plutôt artiste, artisan, bon praticien qu’inventeur. Ce qu’il a eu, c’est l’oreille très sensible et un vrai talent pour assortir un rythme consacré, et tel autre et tel autre encore, consacrés aussi, à ce qu’il voulait exprimer, mais sans invention proprement dite. Les véritables inventeurs de rythmes après les hommes de la Pléiade, c’est La Fontaine et ce sont les symbolistes, qui en cela ne furent pas très heureux, à mon avis, mais à qui la gloire de la tentative doit rester.

Le réalisme, — c’est ici que je me sépare le plus de M. Pellissier, — est une réaction ardente contre le romantisme et n’est nullement ou n’est presque aucunement une production, une suite ou une modification du romantisme. Le réalisme à l’exagération du romantisme oppose ou prétend opposer l’exactitude littérale, au lyrisme du romantisme la soumission froide et patiente à la réalité ; à la composition savante du romantisme le moins de composition possible, et seulement ce qu’il en faut pour être clair ; à l’écriture artiste des romantiques et aussi des classiques depuis Bossuet jusqu’à Chateaubriand et depuis Chateaubriand jusqu’à Gantier, un style extrêmement simple qui ne serait qu’un décalque de l’objet observé. Si l’art est toujours, quoi qu’il fasse, la réalité observée à travers un tempérament, ils veulent au moins supprimer le plus possible le tempérament, le réduire à son minimum indestructible. Le réalisme est une probité de copiste, en quoi il est singulièrement respectable.

Par suite, sa tendance au moins est à supprimer la sensibilité, l’imagination et la pensée ; car la sensibilité déforme, l’imagination déforme, la pensée, devenant toujours système, déforme encore. Et l’on a dit que c’était de l’impuissance à sentir, à imaginer et à penser que cet art était venu, loin que cette impuissance fût volontaire et imposée par une théorie ou par une probité artistique. Il y a du vrai, évidemment ; mais ce n’est pas tout le vrai, et cet abstine du réalisme a bien procédé aussi de la lassitude que le paroxysme, l’exagération, la surabondance, le sentimentalisme et le systématisme des romantiques avait mise dans les esprits. Assez d’intervention indiscrète de l’artiste dans le réel. Ne cherchons que le vrai ; le beau, c’est le vrai.

« À ce compte, dira-t-on, le réalisme est un retour au