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tombaient si pressés qu’ils eussent aussitôt réduit nos pièces au silence, si le sol détrempé n’en avait englouti un grand nombre, empêchant leur éclatement. Néanmoins, notre infériorité ne tarde pas à devenir sensible, et alors, ne nous entêtant pas dans une lutte disproportionnée, quoique nous n’eussions éprouvé que des pertes insignifiantes, notre feu d’artillerie cessa.

Assuré de la supériorité dans le combat d’artillerie à artillerie, Kirchbach voulut aussi triompher par l’infanterie qui, seule, achève la victoire. Il ordonna (10 heures) au général Walther (XXe brigade) de passer la Sauer, de s’emparer de Wœrth et des hauteurs voisines et de marcher sur Elsasshausen. Deux bataillons franchissent la Sauer à Wœrth, deux autres plus bas à Spachbach, quelques-uns sur une passerelle installée avec des madriers et des perches à houblon, quelques-uns à gué ayant de l’eau jusqu’à la poitrine. Ils s’élancent en avant. Ils sont reçus par la fraction de Raoult, répartie entre les routes de Frœschwiller et d’Elsasshausen, et par celle de la division Conseil-Dumesnil qui s’était rapprochée d’Elsasshausen. Mais l’impétuosité de l’attaque prussienne est telle qu’elle fait d’abord des progrès sérieux. Nos tirailleurs sont obligés de se replier sur leurs corps.

À ce moment, un officier apporte à Kirchbach l’ordre du Prince royal de ne pas accepter le combat et d’éviter ce qui pourrait en amener la reprise. Mais comment rappeler des troupes en la ferveur d’un commencement de succès ? Ce succès ne se maintient pas. Notre 2e zouaves se porte en avant, se couche sous des vergers ; le 3e bataillon du 36e se met à l’abri derrière une crête de terrain ; les tirailleurs de la division Conseil-Dumesnil se portent sur le mamelon dit le Calvaire. Alors éclate l’écrasante supériorité de notre fusil comme venait naguère de se manifester celle du canon allemand. C’est la lutte entre le chassepot et le canon d’acier. Quand les Prussiens restaient au loin, leur artillerie nous écrasait, mais, dès que, nous ayant repoussés, ils se rapprochaient, franchissaient la Sauer, nos chassepots les foudroyaient. Revenaient-ils plus nombreux, ils étaient encore fauchés. Les zouaves se ruent sur ceux qui restent et, la baïonnette aux reins, les culbutent. Éperdus, ils s’enfuient dans les rues de Wœrth, se jettent dans les maisons, s’y barricadent ; la fureur des zouaves s’accroît de l’impossibilité de les achever. Ceux qui ne s’étaient pas élancés vers les