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fois sur son front et sur son flanc ; il va être cerné, s’il ne se dérobe. Il envoie dire à Mac Mahon sa détresse : il ne peut plus arrêter le mouvement enveloppant de l’aile gauche de l’ennemi.

Mac Mahon, d’abord, s’était porté vers Ducrot, croyant qu’il allait être tourné par là. Après la retraite des Bavarois, il s’établit sur un mamelon à l’est d’Elsasshausen, au pied d’un grand noyer. De là, il ne découvrait qu’imparfaitement le champ de bataille ; il voyait la vallée de la Sauer et les hauteurs depuis Wœrth jusque Alte Mühle, mais notre aile droite était masquée à sa vue par le sommet du Calvaire et le secteur oriental du Niederwald. C’est là qu’entre neuf et dix heures, il reçoit la dépêche de Failly, annonçant le départ certain de Guyot de Lespart. Il suppose que cette division aura été mise en route peu après la dépêche : au commencement d’août, il fait jour de bonne heure ; 24 kilomètres séparent Bitche de Reichshoffen, soit cinq heures et demie de marche, mettons six heures ; la tête de la colonne arriverait donc vers dix heures du matin à Reichshoffen et une heure et demie après, à Frœschwiller. La confiance du maréchal alors est entière et il télégraphie à de Leusse : « Tout va bien, je vais pousser en avant. »

De Leusse venait à peine de lire cette dépêche qu’on lui en remet une de Seltz l’instruisant que la deuxième partie de l’armée allemande venait de passer le Rhin. Il avertit immédiatement le maréchal, qui reçoit, presque en même temps de Paris, une autre dépêche, déchiffrée sous le feu, confirmant cet avis. « Vous avez devant vous toute l’armée du Prince royal. »

Mac Mahon lit et ne se trouble point. Maintenant il voit, il touche le péril et son âme altière de soldat n’en est pas découragée. Il a pris son parti : Guyot de Lespart se rapproche ; il l’attendra et résistera jusqu’à la dernière extrémité des forces humaines. Il charge un de ses aides de camp de répondre à Lartigue de tenir ferme, que la division Guyot de Lespart marche depuis le matin, qu’elle va arriver sur ses derrières, et en outre que la brigade de cuirassiers est avertie d’obtempérer à ses réquisitions, il recommande de ménager les munitions des mitrailleuses et s’en tient là

Animés par l’espérance qu’on leur apporte, les officiers se répandent parmi les soldats, leur communiquent le message du chef et leur demandent de nouveaux efforts. Lartigue prépare la manœuvre, classique depuis la campagne de Napoléon en Italie :