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il attaquera les Prussiens établis au Lansberg, à la ferme et sur la lisière du Niederwald ; il les refoulera vers la Sauer, puis, revenant rapidement en arrière, il se retournera vers les troupes de Schkopp maîtresses de Morsbronn, les rejettera hors du village ; mais, comme il ne peut lutter à la fois sur son front et sur son flanc, il faut, pendant qu’il sera aux prises avec les défenseurs du Lansberg et de la lisière du Niederwald, que quelqu’un protège son flanc contre ceux qui tiennent Morsbronn. Il demande ce service aux cuirassiers, et il envoie le colonel d’Andigné prier le général Duhesme d’ordonner une charge de la brigade Michel (1 heure).

Dès que les cuirassiers aperçoivent le colonel d’Andigné, ils devinent pourquoi il vient ; le cri de Vive la France ! sort de toutes leurs poitrines, et au commandement de : Garde à vous ! la brigade se forme rapidement en bataille. Le général Duhesme, hors d’état de monter à cheval (il mourut peu de temps après), fait approcher le colonel et lui dit : « Au nom du ciel, dites au général Lartigue qu’il va commettre une folie et faire détruire inutilement mes cuirassiers. — Mon général, répond le colonel, le général n’a pas d’autre moyen de sauver les débris de sa division ; d’ailleurs, écoutez ces braves gens et dites s’ils consentiraient à revenir après avoir été témoins inactifs d’une pareille lutte. J’aime trop la cavalerie pour ne pas préférer pour elle ce qui va se passer à la douleur de n’avoir rien fait, et je n’éprouve qu’un regret, c’est de ne pouvoir charger avec eux. — Mes pauvres cuirassiers ! » répond le général en essuyant ses yeux d’un revers de main.

Lartigue n’avait demandé qu’un régiment, les deux veulent être de la partie. Ils se placent face au Sud, déployés sur deux lignes. Le 8e (colonel Guiot de la Rochère) s’avance le premier, ayant en tête le général Michel, le 9e (colonel Waternau) déborde par la droite le 8e. Deux escadrons du 6e lanciers (colonel Tripart) entraînés par leur ardeur, quoique n’ayant pas été requis, suivent la droite du 9e. Aucun terrain n’était plus impropre à l’action de la cavalerie. Quel résultat en attendre sur des pentes adoucies couvertes de vergers, de haies, coupées de vignes et de houblonnières, jonchées de grandes perches, de rangées d’arbres, de souches coupées, de fossés profonds, et qui assuraient à l’infanterie ennemie à la fois les arbres pour viser à coup sûr et le découvert pour viser loin ?