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des fonctions et emplois purement domestiques, s’élève à 206 000 livres.

N’entrent pas dans ce compte les immenses libéralités arrachées par la Reine au profit de sa « société, » Mercy les énumère, pour deux années seulement, en 1779 et en 1780 : « 400 000 livres, écrit-il, pour payer les dettes de la comtesse de Polignac, une terre de 35 000 livres de revenu, 800 000 livres en argent pour la dot de sa fille, 30 000 francs par an pour Vaudreuil. » Le duc de Guines, le comte d’Adhémar, d’autres encore de l’entourage de Marie-Antoinette, sont traités de la même façon. Et tout est à l’avenant lorsqu’il s’agit des grands personnages de la Cour.

Ainsi s’élargit graduellement l’abîme où s’engloutit, drainée par mille canaux obscurs, l’épargne, lentement amassée, d’une nation laborieuse, en attendant l’heure proche où la monarchie même y trouvera son tombeau.


VI

Si j’ai dû faire quelques réserves, non sur les intentions, mais sur la fermeté, l’énergie de Necker à pousser jusqu’au bout sa politique de réforme administrative et d’économie financière, il est, en revanche, un domaine où l’on ne peut qu’approuver entièrement les actes et les résultats : ce sont les améliorations sociales et les progrès humanitaires qui ont marqué son passage au pouvoir. L’administration des finances, sous l’ancienne monarchie, présentait, comme on sait, mille ramifications, permettant à celui qui en était chargé d’étendre, en réalité, son action sur toute la vie publique. Turgot avait usé largement de cette faculté. Les goûts, les idées de Necker le portaient à agir de même. A un esprit philosophique il joignait une nature sensible, un penchant généreux vers la philanthropie. Il y était encouragé et soutenu par sa femme, aussi vertueuse qu’intelligente, aussi bienfaisante qu’éclairée. Des excursions du directeur général des Finances sur le terrain social, je laisse de côté, pour l’instant, la plus retentissante, l’expérience qu’il tenta des « Administrations provinciales ; » cette question, en effet, est étroitement liée à sa chute ; nous la retrouverons à son heure. Mais le tableau en raccourci que j’ai voulu tracer de sa carrière ministérielle ne serait pas complet, si j’omettais ici les