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saut de la panthère ; ils les secouent, les culbutent, les piétinent, les balaient sous ces couverts de bois dont ils croyaient n’avoir plus besoin. Nos turcos, déjà si glorieux à Wissembourg, se surpassent. Aidés par les 2e et 4e bataillons, ils reprennent les canons pris, il y a un instant. Mais, le souffle le plus terrible s’épuise contre le roc, et c’est un roc énorme que cette masse dans laquelle un homme tué était à l’instant remplacé par un homme vivant, roc mouvant qui se déplaçait en avant et en arrière, et ne se déplaçait en arrière que pour prendre l’élan qui le transporterait au delà du terrain perdu. Deux batteries du XIe corps font halte et commencent un feu à mitraille. Les turcos courent sur les pièces ; ils ne parviennent pas à s’approcher plus près que cent pas ; les décharges de mitraille redoublent ; les tirailleurs du Niederwald se reforment et recommencent leur feu. Les turcos ne rompent pas, eux ne sont pas balayés, ils sont submergés ; ils ne reculent pas, même pour se donner de l’élan, ils restent attachés à la place qu’ils ont gagnée et qu’ils gardent encore par leurs corps étendus morts, 800 hommes, 27 officiers sont tombés. Pauvres, pauvres turcos ! Ces combats de géans sont atroces et sublimes ; ils déchirent l’âme et l’exaltent.

Ces derniers assauts avaient achevé d’exténuer, de désagréger, de surmener les Prussiens ; presque plus de chefs ; plus une unité tactique entière ; plus de soutiens, une confusion complète, tout pêle-mêle. A chaque pas, s’accroissait le nombre des embusqués, c’est-à-dire de ceux qui se cachent derrière les buissons, les replis de terrain, et se dérobent au combat. Et cependant la tâche n’était pas terminée. Frœschwiller est là menaçant ; il faut l’enlever. Et on se demande si cette cohue prussienne en aura la force.

Alors survient à ces bandes en désarroi un secours inespéré : la brigade wurtembergeoise Starkloff. Qui amenait là cette brigade, que le Prince royal avait envoyée sur Reichshoffen ? Un de ces actes de désobéissance qu’on a appelés des actes d’initiative. Au fort de l’action autour d’Elsasshausen, les officiers prussiens alarmés avaient demandé aux Wurtembergeois de venir à leur aide, et leur général n’avait pas balancé à modifier l’ordre de marche donné par le prince. Reformant ses bataillons à mesure qu’ils débouchaient sur la rive droite de la Sauer, il les avait portés sur la ligne la plus courte à l’Est et à