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d’enfans de douze à seize ans, s’il bouche résolument ses yeux pour ne rien voir, s’il laisse les choses courir au petit bonheur, s’il pense : « Ce n’est pas mon affaire…, » cet éducateur là est un méchant ou un sot.


Revenons à Georges et à Sylvie… M’amusant à les observer, favorisé de leur double amitié, — encore que Georges soit, plus que la jeune fille, constamment sous mes yeux, — je suis aisément la progression du roman ; je le vois qui s’approche de la péripétie. Autour deux, on ne s’inquiète de rien. Sylvie n’a même pas sa belle-mère avec elle, à Rein-du-Bois. Georges, justement réputé sérieux, n’est pas surveillé par son père. Dût-on remarquer qu’ils se plaisent ensemble, on prononcera une fois de plus, avec le même sourire complaisant, l’éternel petit mot « flirt… » Un flirt de plus dans la nouvelle couvée, qu’importe ?

Vous et moi, ma chère nièce, sommes seuls à nous douter qu’il s’agit d’autre chose que d’un flirt, et qu’il faut prendre garde. Georges n’a d’ailleurs rien déclaré à Sylvie, j’en suis sûr, et Sylvie n’attend de Georges aucune déclaration. Tous deux se contentent de l’extrême bonheur que leur vaut ce voisinage d’été : après-midi passées ensemble en excursions, en chasse, au tennis ; soirées où, presque quotidiennement, tout le monde se réunit autour de la même table, dans l’un des trois logis.


Aujourd’hui, le rendez-vous de la nouvelle couvée, dans l’après-midi, était fixé au tennis de Chambon. C’est un tennis somptueux, comme tout ce qui relève du financier Demonville. À Ambleuse, voire à Rein-du-Bois, nos jeunes gens tennissent sur de la terre battue : le tennis de Chambon est asphalté, entouré de grillages peints, et doté, comme dans les villes d’eaux élégantes, d’une tribune pour l’arbitre des parties, de fauteuils anglais pour les assistans, de tables anglaises pour le thé. Au lieu de Clément Martin ficelé à la diable (comme à Ambleuse et à Rein-du-Bois), deux grooms en livrée ramassent les balles.

Devant une visite à Mme Demonville, et ayant expérimenté déjà que le tennis est (en France) un des lieux où le moraliste peut le mieux observer la jeunesse en action, j’arrivai vers