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la même méthode : et c’est cette méthode qu’il importe surtout de bien posséder. »

Jeunes gens et jeunes filles groupés autour de la table centrale s’écrièrent :

— La méthode ! vile ! donnez-nous la méthode !

— La méthode, poursuivis-je, s’apprend en même temps qu’on apprend sa première langue étrangère. Pour des Français et des Françaises, j’estime que ce doit être le latin. Vous trouverez partout les raisons de cette préférence ; contentez-vous de celle-ci qui est forte : savoir le latin est le moyen le plus court de savoir le français. C’est plus court que d’enseigner en détail pourquoi « immense » ne veut pas simplement dire « très grand ; » comment le verbe « douter » a donné l’adjectif « indubitable, » etc. En outre, le latin est un excellent type de langue étrangère, pour étudier la méthode générale d’apprentissage. Tout près du français par l’esprit et les mots, il en est très différent par les flexions, c’est-à-dire par les déclinaisons et les conjugaisons ; et il est la langue où la construction est la plus dissemblable du français : occasion d’exercer le fameux esprit d’analyse.

« Mais je lis sur le visage mobile de Mlle Cécile Bernier une certaine impatience de mes digressions. Ouvrez vos oreilles fines, mademoiselle, voici la méthode :

« Apprendre d’abord, par la mémoire et un usage intelligent, le vocabulaire et les flexions.

« Apprendre les élémens de la grammaire, par des remarques sur les conversations et sur les textes lus.

« Tenir sous clé le dictionnaire et la grammaire. Il sera temps de les sortir (ne criez pas au paradoxe !) quand vous saurez la langue.

« Voici ce que je veux dire en excluant le dictionnaire et la grammaire :

« Je vous ai déjà déclaré que je trouve barbare le procédé qui consiste à apprendre les divers sens du mot numerus en cherchant ce mot quelques centaines de fois dans le dictionnaire, pendant plusieurs années. Nous avons d’ailleurs constaté qu’après tant de feuilletages, personne ici ne savait traduire : numeros babylonios. Le vocabulaire doit s’apprendre directement, au moyen de conversations et de lectures méthodiques, conduites par un vrai maître et non par une fille de cuisine