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le Duc d’Orléans, sous son influence, se prodiguait en réceptions. Le Palais-Royal, Saint-Cloud, Villers-Cotterets ne désemplissaient plus d’invités. Une cour s’était reformée autour du premier prince du sang, sémillante, ardente au plaisir et volontiers frondeuse. En outre, fidèle aux traditions de sa famille, obéissant d’ailleurs aux suggestions de l’aimée, il protégeait les artistes et les littérateurs, les accueillant et les pensionnant avec libéralité.

Tout ce monde, petit ou grand, défilait devant Carmontelle et posait volontiers sous son crayon. Les modèles, pour la plupart, s’estimaient flattés de figurer dans cette galerie déjà fameuse et destinée à s’augmenter encore. Aussi, que de détails pittoresques à glaner, quelle mosaïque de types divers, de personnalités multiples, depuis l’Altesse Royale, jusqu’aux gens de service, en passant par le grand seigneur, le prélat, l’officier, l’abbé de cour, l’homme de lettres, le musicien, le financier ou le comédien !

Voici le Dauphin, fils de Louis XV, le pieux héritier de la couronne, dont la mort prématurée fera, sauf à son père, couler tant de larmes ; le prince de Condé, le duc de Penthièvre, les princesses de Hesse-Darmstadt, si chères à Marie-Antoinette, qu’on trouvera leurs portraits sur elle, durant la marche au supplice ; plus loin, des officiers de la maison du Roi : le marquis d’Ecquevilly, commandant du-Vautrait, dans son habit de vénerie, bleu galonné d’or, à gilet rouge et culotte amarante : des hommes de cour, le duc de Céreste-Brancas, le comte de Croix, le marquis d’Anézaga : des diplomates et des magistrats : La Live, Marigny, Sénac de Meilhan, le chevalier de Valois : des prélats et des gens d’église : Mgr de Bourdeilles, évêque de Soissons, Mgr de Roquelaure, dernier évêque de Senlis, trépassé centenaire sous la Restauration, le Père Frisi, barnabite et géomètre, les abbés de Ligondés, Le Cren, de Voisenon, l’ « écrivain colifichet, » qui fut pourtant de l’Académie française et qu’épouvante son confrère, le fougueux abbé Xampi, suivant Lédans, « vraie gibelotte de soufre sautée dans l’esprit-de-vin. »

Tout un essaim fleuri de grandes dames les accompagne. C’est l’époque du chiffonné dans les costumes, des robes volantes à corsage ajusté, de la troussure de la jupe sur les reins, d’une tentative de remplacement des grands paniers à