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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/122

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écoles professionnelles, et seule la vue des récoltes qu’il obtient malgré la sécheresse, avec des labours suffisamment profonds et répétés, est capable d’arracher ses voisins musulmans à la routine, quand ils comparent ses blés serrés et nourris à leurs épis clairsemés et brûlés par le sirocco. Plus l’agronomie algérienne avancera, plus elle multipliera les façons, plus elle fera appel aux amendemens, plus ses progrès bénéficieront à la société indigène, en haut par les leçons, en bas par le pain qu’elle lui donnera. Dès maintenant, les cultures riches comme la vigne procurent une somme de salaires six ou sept fois supérieure au bénéfice que la possession du sol laisserait communément à nos fellahs.

Assurément, les cent cinquante millions que la propriété européenne peut verser annuellement à la main-d’œuvre agricole sont fortement entamés par quarante mille ouvriers français ou espagnols, et par quinze ou vingt mille moissonneurs marocains ; les Kabyles surtout en prennent une large part, eux qui ont gardé ou racheté leur montagne et qui viennent grossir leur épargne sur les champs dont l’Arabe a été chassé par la conquête ou par la chicane, par l’infortune ou par la paresse. Mais qu’y faire ? La colonisation n’a pas la vertu de créer l’énergie : elle ne peut que la réveiller ou la soutenir. Elle offre aux indigènes plus de travail qu’ils n’en veulent faire, et elle serait même sérieusement en peine de main-d’œuvre, dans l’Oranie notamment, si l’afflux étranger venait à lui manquer. Fatalement le domaine européen grandit aux dépens des populations les plus arriérées et les plus inertes, les plus impuissantes de par cette même apathie à tirer profit de l’établissement des Européens à leur côtés.

Non seulement la culture européenne apporte au prolétariat agricole des salaires inconnus des indigènes en service chez leurs coreligionnaires, mais elle lui donne les moyens d’échapper à un véritable servage. Le mode d’exploitation ordinaire en terre arabe est le khammessat ou bail au cinquième de la récolte, les quatre autres parts restant au possesseur du sol, à charge de fournir au preneur les instrumens de travail, presque toujours les grains et l’ai-gent nécessaires à son entretien, souvent aussi, selon les usages locaux, des vêtemens au commencement de l’hiver, un mouton ou un pot de beurre au moment des grandes fêtes. Ces avances dites sarmia, remboursables sur