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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/196

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et mérite que nous recherchions les causes qui agissent sur lui et que nous démontrions, par quelques exemples, la justesse des lois que nous dégageons de l’histoire. Nous allons à cet effet rappeler certains faits peu éloignés de nous, mais dont quelques-uns sont déjà oubliés par la génération présente et qui portent en eux-mêmes d’utiles leçons.


Au mois de juillet 1870, la rente française 3 pour 100 valait 70 francs ; la cote de la Bourse de Paris, sans avoir atteint les dimensions que nous lui connaissons aujourd’hui, enregistrait un grand nombre de valeurs et de fonds d’Etats étrangers ; la France était le banquier de sociétés et de gouvernemens dont les titres garnissaient le portefeuille de ses capitalistes ; les changes lui étaient favorables, le numéraire était abondant. Le 19 juillet, la guerre avec l’Allemagne est déclarée ; aussitôt les premières mesures sont prises pour réunir les fonds nécessaires. Une loi autorise le ministre des Finances à emprunter un milliard. Le 19 août, une souscription publique est ouverte : 800 millions de rente 3 pour 100 sont placés au cours de 60 fr. 60, c’est-à-dire à 15 pour 100 environ au-dessous de la valeur qu’avait ce titre un mois auparavant. Le gouvernement s’adresse en même temps à la Banque de France, décrète le cours forcé, et obtient de cet établissement des avances successives, dont le total devait s’élever, jusqu’à la fin de la guerre, à plus d’un milliard et demi de francs. Mais tout cela ne suffisait pas. Au cours de l’automne, la délégation de Tours du gouvernement de la Défense nationale contracta à Londres, avec la maison Morgan, l’emprunt le plus onéreux que la France moderne ait connu : il était représenté par 500 000 obligations de 500 francs rapportant 6 pour 100 d’intérêt, remboursables en trente ans, et cédées au cours de 84 : la charge réelle du débiteur était d’environ 7 et demi pour 100. Une fois la paix conclue, il fallut emprunter encore pour payer l’indemnité et réparer les désastres : les deux grandes opérations de liquidation furent faites en rentes 5 pour 100. Deux milliards en furent émis, le 27 juin 1871, au prix de 82 et demi pour 100. C’était un taux effectif de 6 pour 100, alors qu’un an auparavant le crédit de la France se capitalisait à peu près à 4 pour 100 : la guerre l’avait détérioré de moitié. Et lorsqu’en 1872 les trois autres milliards de 5 pour 100 furent offerts en souscription publique, ce fut à 84 et demi, c’est-à-dire