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soin jaloux dans l’âme de sa jeunesse, est exposé à tous les dangers, en dépit de son or et de sa fortune. C’est une vérité que les bons Français ont l’impérieux devoir d’avoir toujours présente à l’esprit et à laquelle ils doivent conformer leur vie et subordonner leurs actes. Carthage était plus opulente que Rome : elle n’en a pas moins succombé sous ses coups. Rome à son tour a été vaincue par les barbares, en dépit de ses trésors et de sa puissance économique. C’est donc la plus trompeuse des sécurités que celle qui se fonde sur des richesses accumulées. Contrairement à l’opinion vulgaire qui s’imagine que l’évolution moderne a grandi le rôle de ce facteur, l’organisation actuelle du crédit diminue les avantages qui s’attachaient jadis à la détention matérielle des métaux précieux et des biens facilement réalisables qui peuvent, dans une certaine mesure, leur être assimilés. Nous avons essayé de démontrer que ce crédit tant vanté est à la disposition des forts plus encore que des riches et qu’il a précisément pour effet de fournir des capitaux à ceux qui, n’en ayant peut-être pas de disponibles sur l’heure, ont prouvé leur aptitude à les conquérir. Ce sont là des vérités bonnes à méditer et propres à ramener notre attention sur les ordres de grandeur respectifs des élémens de la force des peuples. Sans méconnaître le rôle des uns, nous souhaitons que nos concitoyens ne perdent pas les autres de vue. Ne dédaignons pas les leçons de l’histoire, qui nous apprend à quels réveils douloureux s’exposent ceux qui les oublient.


RAPHAÊL-GEORGES LEVY.