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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/215

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vieux, plus que millénaire, et qui, cependant, ne manque pas d’intérêt, puisqu’il s’est posé et imposé du jour où il y a eu des bateaux et où l’on s’en est servi pour remonter ou descendre les rivières, du jour, en définitive, où est née la navigation fluviale. Pour plus de clarté, traitons un cas particulier :

Un bateau, à rames ou à hélice, dont la vitesse propre est constante, ou à peu près, doit faire le voyage, aller et retour, de Paris à Melun, en suivant le fil de l’eau ; on suppose le courant de la Seine régulier. La durée du voyage, aller et retour, sera-t-elle la même qu’en eau étale, qu’en eau dormante ? Oui, évidemment, répondirent sans hésiter à L. Bréguet quelques convives, gens instruits, qu’il y a plusieurs mois, un jour de Noël, le célèbre aviateur avait reçus, à Douai, à sa table hospitalière, et auxquels, brusquement, il posait cette question. Le simple bon sens faisait admettre à ces messieurs que le temps perdu à l’aller devait, nécessairement, être compensé par celui qui était gagné au retour. Mais, comme il n’arrive que trop souvent, le simple bon sens, ici, se trompait, confondait le temps correspondant à un trajet donné avec le trajet correspondant à un temps donné : l’erreur était grossière ; le premier marinier venu, interrogé, s’en serait gaussé. Démontrons-le sans calculs savans.

D’abord, une proposition préliminaire, un lemme :

Si un mobile peut franchir une certaine distance avec deux vitesses différentes, il saute aux yeux que le temps gagné par l’emploi de la plus grande peut être perdu par l’emploi de la plus petite. Par exemple, si les vitesses sont 5 mètres et 7 mètres cl que le mobile prenne la vitesse 7 au lieu de la vitesse 5, il gagne exactement, en ce cas, le temps qu’il aurait perdu en prenant 5 au lieu de 7.

Ceci établi, supposons que notre bateau ait une vitesse propre de 5 mètres par seconde, le courant de la Seine une vitesse de 2 mètres. A la descente, de Melun à Paris, tout se passera, nous avons dit plus haut pourquoi, comme si le bateau se mouvait en eau dormante avec une vitesse absolue de 7 mètres, somme de 5 et de 2 mètres. A la montée, supposons que le bateau « force » sa vitesse propre et l’augmente juste de celle du courant, de sorte que cette vitesse soit de 7 mètres. Le courant contrariera toujours la marche et lui fera perdre ce surcroit de vitesse. Mais alors, tout se passera comme si le bateau se mouvait