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publique, de susciter une hausse foudroyante dont il espère la fortune. En 1823 (4 février), on attendait avec impatience à Paris et à Vienne de savoir si le discours de S. M. britannique contiendrait ou non la promesse de la neutralité dans la guerre d’Espagne. Le matin même de la réunion du parlement anglais, on remit à Paris entre les mains du ministre des Affaires étrangères Chateaubriand, et à Vienne entre les mains du grand chancelier Metternich, une copie apocryphe déjà jetée dans le public, qu’on prétendait avoir obtenue par des moyens habitués à triompher de tout, et dans laquelle on lisait en toutes lettres le mot « neutralité. « Il s’ensuivit une hausse considérable : en réalité, le mot ne s’y trouvait pas, et la baisse succéda à la hausse. Quelques jours après la bataille de l’Aima, une dépêche apportée, disait-on, par un Tartare, enleva toutes les Bourses plus ou moins en détresse par l’annonce fantastique de la prise de Sébastopol.

Dans la manœuvre du 6 août, il y avait plus qu’un acte de piraterie financière, il y avait un moyen d’exciter les esprits en les jetant d’un excès de joie dans un excès de désespoir. Des secousses pareilles ne se calment pas instantanément ; elles créent une susceptibilité nerveuse qui facilite les mauvaises entreprises. Malgré nos explications et quoique notre loyauté ne put être en doute, les révolutionnaires se mirent dans la soirée à exploiter une commotion dont ils étaient probablement les auteurs. Ils se répandirent de tous côtés, déclamant contre le retard à annoncer l’échec de Wissembourg, accusant les ministres (de cacher les dépêches. Des rassemblemens plus ou moins turbulens arrivaient sur la place Vendôme, criant : « Des nouvelles ! des nouvelles ! Ollivier ! Ollivier au balcon ! » Je ne parus plus au balcon et j’allai m’établir le soir en permanence à la préfecture de police, en communication avec Chevandier au ministère de l’Intérieur, afin de veiller de plus près aux événemens.

Vers les huit heures, Chevandier m’envoya une première dépêche de Metz : « Frossard est engagé, il est trop loin pour que nous venions à son aide, tout espoir n’est pas perdu. » — « Encore une défaite, dis-je avec douleur (à Piétri ; après l’émotion d’aujourd’hui, la situation sera terrible demain. »

Déjà des rapports d’agens informaient le préfet de police que la fermentation de Paris augmentait. Une longue colonne descendait