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NAPOLÉON STÉNOGRAPHIÉ
AU CONSEIL D’ÉTAT
EN 1804 ET 1805

Pour revivre l’époque impériale, nous n’avons que les récits des contemporains qui ont approché Napoléon ; mais, à n’en pas douter, presque toutes les paroles de l’Empereur qui nous sont parvenues ont été passées au polissoir, et l’histoire s’en contente avec peine. C’est pourquoi j’exhume ces fragmens qui ont le mérite de la précision et de la littéralité. Aimablement communiqués par M. le baron Pierre de Bourgoing, ils se composent de vingt-quatre feuilles manuscrites portant pour titre : Séances du Conseil d’Etat sténographiées par M. L... auditeur au Conseil. Quel personnage fixa ainsi en 1804 et 1805 les phrases nettes, coupantes que le maître prodiguait dans la haute assemblée ? Lecoulteux, Leblanc-Pommard sont les seuls auditeurs dont le nom commence par la lettre L, qui assistèrent aux séances pendant ces deux années. Je penche pour Lecoulteux, lequel avait l’habitude de prendre de nombreuses notes. Ces papiers seraient donc les originaux des comptes rendus qu’après beaucoup de corrections et de retouches, on livrait comme officiels : ils reproduisent les mots vrais prononcés jadis à Saint-Cloud et aux Tuileries.

Pour bien connaître la manière dont parlait l’Empereur, il ne faut pas s’en référer aux divers ouvrages écrits par les anciens membres du Conseil d’État. Tous l’ont revu, corrigé, déformé. Pelet de la Lozère ne donne que des tirades bien fourbies auxquelles il a enlevé le naturel ; Thibaudeau lui-même a commis parfois la même faute et sa rédaction s’arrête en 1803 ; Miot de Melito, Boulay de la Meurthe, Rœderer racontent les séances sans en détailler les digressions, les épisodes. Le Mémorial de Sainte-Hélène cite les conversations de l’illustre captif