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II. — LES PEINTRES : PIERRE DE CORTONE. — ROMANELLI. — LE BACICCIO. — LE PÈRE POZZO.

Si un seul nom, celui du Bernin, suffit à caractériser la sculpture du XVIIe siècle, on peut dire de même qu’il suffît de connaître Pierre de Cortone pour savoir tout ce que fut la peinture de cet âge. Jamais l’art, même à Venise, ne s’est épanoui dans une vision plus heureuse, plus complètement dégagée de tout voile de tristesse. La critique moderne n’a pas encore su faire à cet artiste la place exceptionnelle qu’il mérite : elle n’a pas assez dit qu’il fut le créateur d’une nouvelle école de peinture qui a régné pendant deux siècles sur l’Europe entière.

Pour se rendre compte de l’importance de l’art de Pierre de Cortone, il faut se rappeler ce qui avait été fait avant lui, au point de vue du décor, dans les principales écoles d’Italie.

Au XIVe siècle, l’école giottesque, toute religieuse et philosophique, ne pouvait que très exceptionnellement rechercher les effets décoratifs ; lorsqu’elle couvre de fresques les basiliques italiennes, c’est pour enseigner et non pour plaire. Au XVe siècle, avec Masaccio, Lippi, Botticelli, Ghirlandajo, un changement se fait, l’art est moins religieux, mais c’est pour devenir plus savant ; et c’est l’étude de la vie qui passe au premier plan dans la ville des humanistes. A Rome, au début du XVIe siècle, pour la première fois les peintres vont, par des peintures exclusivement décoratives, dire cette joie que la Renaissance mettait dans tous les cœurs, et Raphaël, à côté de ses grandes œuvres religieuses, nous don n€, dans les Loges, à la Villa Madame et à la Farnésine, de beaux exemples d’art décoratif.

Par suite de la déchéance de Rome provoquée par le sac de 1527, c’est dans le Nord de l’Italie, à Venise, à Mantoue, à Parme, que se poursuivent pour un instant les destinées de l’Italie.

Les Vénitiens ont une grande réputation comme décorateurs, et l’on citerait volontiers Paul Véronèse comme l’un des plus illustres maîtres de cet art, et pourtant les Vénitiens n’ont pas su, même au Palais des Doges, ordonner une vaste salle en vrais décorateurs. Ils se contentent le plus souvent de disposer sur les murs et les plafonds de grands tableaux narratifs, lourdement et maladroitement encadrés par de trop volumineuses et trop riches bordures, et leurs tableaux trop sombres se relient mal à l’éclat des dorures qui les entourent.